Les grandes agglomérations algériennes - la capitale du pays n'ayant plus ce peu enviable privilège - ploient sous le poids écrasant des nuisances. Elles sont mortifiées par des pollutions de toutes natures, la plus tragique étant celle qui a assoupi les bonnes consciences citoyennes. Comment expliquer autrement que les Algériens vivent mal leur rapport à la cité - dans un contexte où la frontière symbolique entre la ville et la campagne est devenue ténue -, et qu'ils restent désarmés de devoir exister dans un air chaque jour rendu plus irrespirable. Cela vient en partie de ce que l'environnement dans le sens commun est assimilé à un souci de sociétés opulentes et si mécanisées qu'elles payent de la dégradation de la nature le prix de leur absence d'humanité. Mais même dans les cités algériennes, quels recours technologiques faut-il convoquer pour nettoyer les rues, réduire les effets nocifs d'un parc roulant disproportionné aux capacités des voies de circulation et à la froideur implacable de bâtisses lépreuses à la périphérie des grands centres urbains ? Il s'en trouve, à cet égard, pour entretenir la certitude qu'il suffit que le ventre soit plein pour que la tête chante. Mais il y a toujours un après dont la communauté toute entière assumera les conséquences à son corps défendant. Ce n'est pas un spectacle gratifiant que celui de ces grands ensembles dévastés par une indifférence devenue si ordinaire qu'elle est érigée en dogme. Mais la culture environnementale n'est pas une vertu acquise. Elle procède cette capacité éminemment citoyenne, d'abord, à préserver le cadre de vie qui est le bien commun par excellence. A cet égard, tous les beaux discours sur la nature ne vaudront pas le réflexe consenti du quidam qui prend le soin de ne pas abandonner un sachet en plastique noir sur la chaussée, à plus forte raison s'il contient les restes de son repas, et qu'il sait bien que nul ne viendra le ramasser. Cette atteinte, dont les manifestations sont quotidiennes, brutalise autant l'environnement qu'elle érode dramatiquement le sens civique sans lequel toute société est orpheline de la plus élémentaire des valeurs collectives.