C'est de là que tout est parti », lance Nasreddine, un officier de police en poste à El Oued. Allusion à ce que communément l'on considère comme la première attaque terroriste de l'histoire de l'islamise armé des années 1990. « C'était exactement le 25 novembre 1991 », se souvient Nasreddine. « J'y étais. Il y a eu au total 25 morts. Trois chez les militaires, et le reste, des terroristes. Nous les avons éliminés en 48 heures », ajoute-t-il. Dix-sept ans après, la belle oasis fait parler d'elle. Sept gendarmes du 15e groupement des gardes-frontières stationné à Guemar tombent dans une embuscade meurtrière. « Certains ont pris un raccourci en faisant le lien avec ce qui s'est passé en 1991 pour suggérer que l'attaque a eu lieu sur le territoire de la commune de Guemar et que le groupe terroriste serait d'ici, alors que tout cela est faux. La preuve, les défunts ne sont pas inscrits au niveau de notre état civil », dit Hossem Neouioua, P/APC de Guemar, avant de souligner : « Nous voulons effacer ce souvenir qui colle à notre ville et tourner la page. En 1991, c'est toute l'Algérie qui était dans ce mouvement (le FIS ndlr), pas que Guemar. Pourquoi on particularise ? Guemar est une ville paisible et nous n'avons aucun terroriste ici. Nous avons en revanche 55 docteurs d'Etat issus de Guemar. » Nous rendons visite à la caserne des GGF touchée par ce drame. Elle se trouve complètement en retrait de la ville, sur la route de l'aérodrome, à proximité d'une caserne militaire, celle-là même qui avait été attaquée en 1991. No comment. On nous renvoie vers la brigade d'El Oued. Même s'il n'y a aucun signe de menace apparent, une certaine tension flotte dans l'air. Nous subirons à quatre reprises une vérification d'identité de la part de policiers zélés. D'abord, un civil, ensuite une patrouille de la BMPJ, puis une autre de la sûreté de daïra, et enfin… un pafiste, soi-disant pour cause de franchissement d'une zone « militaro-aéroportuaire ». « C'est pour votre sécurité », argueront à l'unisson ces agents de sûreté. Voilà une curieuse manière de promouvoir le tourisme. « Le fait que nous ayons autant de casernes nous vaut d'être parfois assimilés à une ville assiégée et c'est cela qui nourrit toute cette mauvaise publicité dont nous sommes victimes », déplore le maire. Guemar qui se trouve à une quinzaine de kilomètres au nord d'El Oued est un peu la cité historique de la région du Souf. En entrant par El Bab El Gharbi (la porte de l'Occident), le visiteur se trouve très vite entraîné dans un labyrinthe de ruelles étroites donnant sur une casbah pittoresque aux mosquées fort anciennes. Ainsi, la mosquée de Sidi Ibrahim Ben Saad date de 1185. Par la Porte de l'Orient s'annonce en filigrane le siège de la zaouïa Tidjania, la plus vieille zaouïa de cette confrérie, assure-t-on, « avant même celles de Aïn Madhi et de Temacine ». Une autre zaouïa lui fait pendant non loin de là, dans la localité mitoyenne de Taghzout. Un graffiti tracé sur un mur voisin assène : « Nass tahrob l'Talyane, ou ness tektab ala el djoudrane » (Les uns partent en Italie, les autres écrivent sur les murs). « Ici, les jeunes ne sont pas très intéressés par el harga. Quand ils veulent changer d'air, ils partent en Tunisie ou en Libye passer quelques jours et ils reviennent », affirme un jeune commerçant. Grand centre religieux et civilisationnel, Guemar est aussi un important pôle agricole. 100 à 120 camions viennent quotidiennement des quatre coins du pays faire le plein de patate au marché « Zogb » de Guemar. Problème : les exploitations agricoles souffrent d'un déficit d'irrigation en raison de la salinité de l'eau des nappes et de l'insuffisance de l'énergie électrique. « Nous avons un sérieux problème d'électricité. Les agriculteurs drainent l'eau au mazout mais les moteurs tombent souvent en panne. Les pompes à eau ne reçoivent pas suffisamment de courant. Nous demandons à l'Etat de trouver une solution avec Sonelgaz pour aider les petits agriculteurs, ce qui contribuera à résorber durablement le chômage », plaide le maire. Abderrezak Cheriet, vice-président de l'APC, dénonce : « Il est regrettable que l'aide du FNDRA (fonds national de développement agricole) aille le plus souvent aux spéculateurs au détriment des vrais fellahs. »