Paris : De notre bureau Candidats alibis ou diversité républicaine ? » Razzi Hammadi, tête de liste PS à la mairie d'Orly, Kamel Hamza, tête de liste UMP à la Courneuve, Fadila Mehal, tête de liste Modem dans le IVe arrondissement de Paris, Nacer Kettane, 3e sur la liste du maire sortant du XXe arrondissement (ex-PS), Hamou Bouakaz, 2e sur la liste PS du XXe arrondissement, Félix Wu, tête de liste indépendante dans le XIIIe arrondissement de Paris, Marie-Thérèse Atallah, liste des Verts dans le XIVe arrondissement et Alima Boumédiène, 2e sur une liste citoyenne à Argenteuil ont eu à répondre à cette question à la faveur d'une conférence de presse qui s'est tenue au Centre d'accueil de la presse étrangère, mercredi 27 février à l'initiative du Club des journalistes algériens et franco-algériens de France (Cjaf). Razzi Hammadi, d'origine algéro-tunisienne, secrétaire national du Parti socialiste « à la riposte », explique qu'il a refusé d'être désigné par les instances nationales de son parti et qu'il a été élu à la candidature d'Orly par les militants locaux. Il se considère comme « un candidat de la réalité ». Sur la question de la diversité, il estime qu'il y a « un travail de pédagogie à faire envers la politique et les médias » et que derrière ce terme « il y a quelque chose de raciste. Pour Sarkozy on n'a jamais dit qu'il était issu de la diversité ». Fadila Mehal rappelle en tant que candidate du Modem aux législatives dans le XIXe arrondissement, on lui avait dit : « Vous allez retrouver votre électorat », ce qu'elle a vécu comme « une assignation identitaire ». Candidate dans le IVe arrondissement, celui de l'Hôtel de Ville de Paris et de la Bastille, où se présente la ministre de la Culture Mme Albanel, on a dit à son sujet « erreur de casting ». « Je fais le pari que les Parisiens sont prêts à avoir des candidats de la diversité qui ont quelque chose à dire ». « Il y a des Bastilles à prendre », ajoute la fondatrice des Mariannes de la diversité. « Je suis dans une ville où la diversité existe, je ne fais pas une campagne communautaire », indique pour sa part Kamel Hamza, candidat UMP à la Courneuve, un bastion de gauche depuis 50 ans. « J'ai gagné les élections internes », dit-il pour expliquer qu'il n'a rien d'un « parachuté ». Plus, il rappelle qu'il a obtenu 35% de voix aux législatives. « Qu'on arrête de parler de diversité pour faire diversion », s'insurge Alima Boumédiène (d'origine marocaine). « La question qui pose problème, c'est celle de l'altérité que notre société a encore du mal à aborder ». La jeune femme fait partie des rares élus en 1988. Elle a été parlementaire européenne Vert, aujourd'hui elle est sénatrice. Hamou Bouakaz (d'origine algérienne) abonde dans le même sens. « On est plus dans l'altérité que dans la diversité. Je tiens à faire entrer l'a-normal dans la société : je suis aveugle, arabo-berbère, ingénieur. » « On disait issus de l'immigration, aujourd'hui on parle de diversité. On avance un peu plus », estime Marie-Thérèse Atallah, (d'origine libanaise) élue Vert en 2001 dans le XIVe arrondissement. « La diversité, c'est une tarte à la crème », estime Nacer Kettane. « La diversité m'intéresse lorsque les partis politiques impriment dans les manuels scolaires la diversité de la France, l'histoire de la colonisation, de l'esclavage. La diversité, ce n'est pas simplement une touche de couleur, il faut assumer notre héritage et notre mémoire. » C'est « sur un coup de nerfs », en regardant le paysage politique français, que Felix Wu, d'origine chinoise, a monté une liste indépendante dans le XIIIe arrondissement de Paris. Cet arrondissement compte 25% d'habitants d'origine asiatique et pas un seul élu municipal de cette communauté. Félix Wu conçoit son initiative comme un « geste fondateur pour réveiller la conscience politique des Asiatiques ». Sa liste n'est pas pour autant communautaire, puisqu'elle compte des Français de souche ou d'autres origines. La diversité, une question globale Alors que les sondages donnent la gauche vainqueur des élections municipales, Razzi Hammadi ne se dit pas favorable à l'idée de vote-sanction. « Ce qu'on ressent dans la campagne c'est un sentiment d'humiliation, calé sur une désillusion dans les classes défavorisées. Ce n'est pas Sarkozy qui l'a provoqué, mais il l'a amplifié », estime-t-il, et d'ajouter que « la rénovation politique c'est aussi défendre ses principes et ses valeurs, y compris quand cela doit déplaire à ses camarades. Les citoyens attendent des orientations claires, ce n'est pas une affaire de Kader, Mohamed ou Nicole. La refondation de la gauche passe par de nouveaux partenariats ». Son camarade de parti, Hamou Bouakaz, avance que la première mesure à prendre en cas de victoire de la gauche à Paris c'est un plan de lutte contre toutes les discriminations dans chaque arrondissement. « On engagera des actions visant à protéger les faibles et à lutter contre une société de plus en plus inégalitaire et communautarisée. » « Nationaliser la campagne pour les municipales est une escroquerie, c'est comme si Nicolas Sarkozy était maire de toutes les villes de France. Je ne suis pas Kamel Sarkozy, qu'on reste sur le local », réagit Kamel Hamza (UMP La Courneuve). Il est vrai que l'impopularité du président Sarkozy ne facilite pas la campagne des candidats UMP. « Le communautarisme, la gauche l'a créé, qu'on arrête l'instrumentalisation », ajoute Kamel Hamza. Sur la question du nombre de militants de la diversité sur les listes municipales, il y en a dans tous les partis, est-il affirmé, mais le problème qui se pose est plus afférent à la représentativité et à l'éligibilité. Les blocages en termes de représentativité proviennent aussi du fait qu'il n'y a pas de renouvellement des mandats électifs, selon Razzi Hamadi. Combien d'élus s'accrochent, en effet, à leur mandat, au fil des élections et refusent de passer la main. La question de la diversité est plus globale, c'est celle de la représentativité des jeunes, des classes sociales, des handicapés, est-il souligné. Le mot de conclusion vient de Adda Bekkouche, président du Mouvement pour une citoyenneté active (à l'origine d'un travail d'investigation sur la question) qui estime qu'en île-de-France « les Français d'origine non européenne (terme qu'il retient à celui de diversité) sont très engagés dans les partis politiques, les syndicats, les associations, mais ont une défiance vis-à-vis des institutions, car ils considèrent que l'égalité n'est pas respectée. La question de leur participation devient un révélateur du dévoiement de la démocratie ». 7% de candidats de la diversité Les pointages du Comité national de la diversité (créé par des élus de la diversité et des personnalités politiques) montrent une moyenne de 7% environ de diversité sur les listes électorales des 254 villes de plus de 300 000 habitants, pour le PS et l'UMP, dont la moitié environ en positions éligibles. Toutefois, ces deux partis ne présentent que 0,05% de candidats de la diversité en têtes de liste. Le PS s'engage à créer une commission nationale chargée du suivi de la diversité après les élections municipales, à l'issue d'une rencontre de son premier secrétaire avec le président du CRAN, Patrick Lozès. François Hollande a reconnu que la vingtaine de têtes de liste, issues de la diversité présentées par le Parti socialiste, ne répondaient pas à la demande d'égalité exprimée par les Français de la diversité. Le premier secrétaire du PS a néanmoins estimé que des centaines de Français de la diversité feront leur entrée dans les conseils municipaux au soir du 16 mars 2008, marquant selon lui « une étape historique » dans l'accession des citoyens de la diversité aux responsabilités publiques.