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« Affronter ensemble les problèmes communs »
Vittorio Craxi. Secrétaire d'Etat italien aux Affaires étrangères, délégué aux relations avec l'ONU
Publié dans El Watan le 03 - 03 - 2008

Leader du petit parti des Socialistes italiens, qui a conflué dans le Nouveau PSI (Parti socialiste italien), Vittorio Craxi, dit Bobo, a fait son entrée dans le gouvernement de Romano Prodi au lendemain de la victoire du centre gauche aux élections d'avril 2006. A 43 ans, le fils de Bettino Craxi, ancien président du Conseil italien et premier socialiste à tenir les rênes d'un gouvernement en Italie, en 1983, est tombé très tôt dans la politique, tout comme sa sœur Stefania, qui a préféré la droite et qui s'est fait élire députée au sein du parti de Forza Italia.
Ces derniers mois ont vu une réelle intensification des relations entre l'Italie et l'Algérie. Vous croyez qu'en moins de deux ans, le gouvernement Prodi a réussi à rattraper, en partie, le temps perdu ?
La coopération que notre pays entretient avec l'Algérie depuis des années, même si elle reste satisfaisante, est apte à être renforcée dans plusieurs domaines, comme celui de l'industrie agroalimentaire, du tourisme, des travaux publics, de la mis en valeur du patrimoine culturel et autres. Et même si l'Algérie a été traversée par des crises provoquées par des mouvements intolérants qui voulaient empêcher tout changement, votre pays reste leader dans la région et fier de ses acquis. Pour tout cela, les Italiens nourrissent un grand intérêt pour l'intensification des rapports de voisinage avec la société algérienne. L'Algérie, avec qui nous partageons un héritage de culture et de civilisation méditerranéenne, est notre partenaire privilégié, pas seulement sur le plan économique mais aussi politique. C'est l'une des plus grandes nations d'Afrique, très impliquée dans la valorisation du rôle des organisations internationales, dont le BIE (Bureau international des expositions). Dans le futur, l'Algérie pourra présenter sa candidature pour accueillir l'exposition universelle. Le Maroc qui s'était présenté pour l'exposition internationale de 2012 a été battu, mais cela encourage d'autres pays de la région à se présenter. Milan, si elle est choisie pour l'exposition universelle de 2015, deviendra une vitrine du monde et ses portes ouvertes permettront aux pays participants, dont l'Algérie, d'être les protagonistes, les ambassadeurs de leurs cultures.
Vous êtes le délégué du gouvernement italien pour l'ONU. Pourquoi ce silence autour du calvaire des habitants de la bande de Ghaza ?
C'est effectivement une situation incompréhensible. Depuis le sommet pour la paix au Moyen-Orient qui s'est tenu aux USA, à Annapolis, la situation a dégénéré. Il faut dire que la pratique des attentats ciblés d'une part et le lancement des missiles d'autre part n'est pas la meilleure façon pour arriver à un accord. La question des droits du peuple palestinien et la création d'un Etat indépendant reste primordiale. On ne peut revenir en arrière. Il faut parvenir à un accord. L'idée d'une trêve, une paix conditionnelle, sur le plan politique, reste une solution partielle, mais importante.
Les pays européens, qui ont participé récemment à Rabat à la réunion du groupe des 5+5, ont mis l'accent sur la lutte contre le terrorisme et l'immigration clandestine. Est-ce une politique éclairée de la part de l'Union européenne de continuer à exiger des pays du Sud plus de sacrifices sans consentir une contrepartie ?
Notre objectif est de renforcer ce groupe des 5+5 qui pourra devenir celui des 6+6, si à l'Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Mauritanie et la Libye du côté maghrébin, et à l'Italie, la France, l'Espagne, le Portugal, Malte du côté européen, on ajoute l'Egypte et la Grèce. Ce projet s'insère dans la nécessité d'élargir, sur fond de coopération, les échanges entre les Etats, non seulement sur la base de la géographie. Par exemple, dans le cas de la Turquie, c'est une erreur de bloquer son adhésion à l'Union européenne. La Turquie, aux côtés des pays maghrébins, représente la version la plus moderne de l'islam. Les traditions religieuses dans cette région ne sont pas sujettes aux exigences d'une société théocratique. Il faut primer le choix de la laïcité de l'Etat. Ensuite, notre engagement historique auprès des pays du Sud, particulièrement le Maghreb, est réel. Si on regarde en arrière, la connaissance mutuelle et les échanges économiques ont toujours ouvert de nouveaux horizons pour les relations bilatérales. C'est pourquoi il faut encourager les pays qui ont fait des pas importants et affronter ensemble les problèmes qui sont désormais communs, comme ceux que vous avez cités, car ils représentent une menace collective dans ce territoire qu'on partage.
Au niveau africain, comment jugez-vous le rôle de l'organisation du Nepad (Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique) ?
Mon rôle de secrétaire d'Etat délégué pour les relations avec les organisations internationales me pousse à promouvoir l'action des institutions internationales qui ne restent pas localisées mais qui opèrent en concert avec les autres partenaires. Il faut bien sûr s'affranchir des lourdeurs bureaucratiques et aller vers des objectifs clairs. Le Nepad a un rôle essentiel dans le développement des pays du continent africain, surtout sur le plan économique.
La gauche italienne est connue pour son soutien constant à la cause du peuple sahraoui. Qu'en-est-il du gouvernement ?
Par rapport aux autres pays européens qui sont historiquement plus proches des pays concernés, comme la France et l'Espagne, l'Italie observe une position plus neutre. On ne peut qu'avoir une position équilibrée. On a vu l'impasse déterminée par l'échec du troisième round des pourparlers. D'un côté, il y a une recherche d'autonomie qui pousse jusqu'au besoin de créer une nation souveraine, et de l'autre on parle d'une concession d'autonomie qui ne veut pas abandonner l'intégrité territoriale. Il ne s'agit pas de positions conciliables. Il faut analyser ce qui est possible à réaliser et ce qui ne l'est pas. En plus, je pense qu'il ne faut jamais oublier qu'il y a toujours des parties qui tentent de créer la confusion et le chaos. C'est la dernière chose qu'on souhaite pour l'Algérie ou pour le peuple sahraoui. L'idée que le Sahara peut constituer pour le Maroc et pour l'Algérie, je ne parle pas de territoire, mais de la très importante position géographique, une brèche qui unit l'Algérie au Maroc et à l'Atlantique, est une idée importante. Je ne comprends pas pourquoi la réalisation d'un accord stagne.
On assiste en Italie à une campagne islamophobe pernicieuse. Doit-on s'en préoccuper ?
Le débat italien autour des questions sur l'islam est désormais conditionné par les événements du 11 septembre 2001. Une polémique a été ouverte et les questions mal posées et évoquent l'idée d'un choc de civilisations. Ce débat est derrière nous, parce que la majorité catholique comprend la nécessité de faire vivre ensemble des citoyens de religions différentes. Dans le respect de leur religion, des identités et des racines. Cela nous mène à être tolérants, avec la condition principale de la mutuelle connaissance. S'ouvrir au monde musulman pour combler le retard et le fossé créé doit devenir une urgence. Il est clair que la présence d'une communauté musulmane en Italie pose des problèmes nouveaux, auxquels on doit donner des réponses, en suscitant la volonté de vivre dans une société moderne et libre.


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