La gauche italienne remporte un succès étriqué, certes, mais qui va lui donner de gouverner. La victoire de la coalition du centre-gauche a été confirmée hier, plusieurs heures après la clôture du scrutin. De fait, le succès des partisans de Romano Prodi, leader de la coalition du centre-gauche, a été long à se dessiner avec une majorité relative à la Chambre des députés et une avance de deux sièges au Sénat. C'est dire que les jours et semaines à venir seront difficiles pour l'ancien président de la Commission européenne qui aura à mener des tractations ardues pour former son gouvernement. De fait, l'avance de la gauche a été tellement minime que l'Alliance autour du président du Conseil sortant, envisageait hier de demander un nouveau décompte des bulletins. En effet, le scrutin a montré un pays coupé en deux camps de forces presque égales puisque 25.244 votes seulement sur 37 millions de suffrages exprimés ont donné la victoire à la gauche à la Chambre des députés (340 députés contre 277 grâce à la ‘'prime au vainqueur'') et qu'il a fallu attendre le décompte des votes des Italiens de l'étranger pour lui donner également la victoire au Sénat (158 contre 156). C'est dire que la marge de travail de Romano Prodi sera très réduite pour lui donner la liberté d'action dont il aura besoin pour engager de véritables réformes en Italie. En attendant les résultats officiels définitifs, le président du Conseil sortant, Silvio Berlusconi, doit gérer, selon les dispositions de la Constitution, les affaires courantes et la transition, jusqu'à la constitution du nouveau gouvernement, prévue vers la fin mai, voire au début de juin. L'autre difficulté à laquelle devra faire face la coalition du centre-gauche concerne l'élection du président de la République, le mandat de l'actuel hôte du Quirinal, Carlo Azeglio Ciampi venant à terme le 18 mai prochain. En effet, dans les vingt jours suivant les élections, les parlementaires (Chambre des députés et Sénat) doivent se réunir, pour élire leurs présidents et constituer les groupes parlementaires avec en perspective la réunion qu'ils auront à faire avant le 13 mai pour élire le nouveau président en remplacement du président Ciampi -85 ans- lequel, semble-t-il, n'est pas intéressé par le renouvellement de son mandat présidentiel. Or, si M.Azeglio Ciampi n'est pas partant pour un nouveau mandat de sept ans, il sera difficile pour les deux grands groupes politiques italiens de trouver un candidat de consensus d'autant plus que c'est le nouveau président qui doit charger le leader du groupe arrivé en tête des élections législatives du 9 avril de former le nouveau gouvernement. Pas du tout ébranlé par la donne induite par l'étroitesse du scrutin, M.Prodi s'est dit «confiant» et se préparait à se mettre au « travail » indiquant hier, après avoir revendiqué la victoire, qu'il allait «se mettre immédiatement au travail pour réunifier le pays, remettre l'Italie en marche (...) au service de tous les citoyens» appelant à «tourner la page» du ‘'berlusconisme''. Malgré la modicité de sa victoire Romano Prodi a promis au pays un gouvernement qui «sera fort politiquement et techniquement». L'ancien président de la Commission européenne a, par ailleurs, affirmé vouloir mettre «l'Europe et la paix» au centre de son programme et de souligner «ce sera un gouvernement pour tous les Italiens, même pour ceux qui n'ont pas voté pour moi». S'adressant, dans la nuit de lundi à mardi, à ses partisans, Romani Prodi a affirmé «A partir de maintenant, une page se tourne. Nous sommes restés longtemps sur le fil du rasoir mais au final la victoire est arrivée. Nous devrons gouverner de manière sereine pour réconcilier le pays. Et nous allons commencer tout de suite à travailler». D'aucuns s'accordent à dire que l'une des premières mesures que va prendre M.Prodi sera le rapatriement du contingent italien (3000 soldats) stationné en Irak «en concertation avec les autorités locales». Romano Prodi avait fait de cette mesure, réclamée par toute la gauche, l'un des points forts de sa campagne. Si Romano Prodi s'est montré prolixe depuis l'annonce de la victoire de la coalition du centre-gauche, en revanche le «Chevalier» Silvio Berlusconi observe le silence se refusant même à commenter à «chaud» les résultats du scrutin. Le président du Conseil sortant se réserve sans doute aux futures batailles au Parlement, qui s'annoncent très dures, comme à celles qu'il aura à livrer à ses alliés de la droite pour garder le leadership de l'Alliance du centre-droit afin de préserver ses chances de rester dans le circuit politique et pour un éventuel retour aux affaires. Mais d'autres soucis attendent M.Berlusconi, qui aura à affronter la justice. De fait, si les résultats (définitifs) confirment sa défaite, Silvio Berlusconi ne pourra plus compter sur une majorité qui, l'a jusqu'ici, protégé par des lois ‘'ad personam'' des nombreuses enquêtes judiciaires qui l'ont visé depuis son entrée en politique en 1993. Ainsi, depuis 2003, il est sous le coup d'une enquête pour fraude fiscale et corruption de témoin pour l'achat et la vente de droits télévisés et cinématographiques par sa Holding Mediaset. De fait, M.Berlusconi aura à s'expliquer plus vite qu'il ne l'aurait souhaité, la première audience préliminaire étant fixée au 5 juin 2006 par le parquet de Milan (nord de l'Italie). Un malheur n'arrive pas seul et M.Berlusconi semble devoir le vérifier à ses dépens.