Aussi bien à l'étranger qu'en Algérie, le séjour d'un enfant malade, au demeurant un sujet sensible, dans un hôpital, est extrêmement délicat nécessitant la mise en place de tout un arsenal logistique, psychologique et médical d'accompagnement. Bref, il faut tout un monde pour que la « vie » des enfants dans un hôpital soit moins douloureuse. Le CHU de Constantine ne désemplit pas. Il en accueille de toutes les wilayas de l'Est et même du Sud. Réparti en cinq unités, à savoir celles des maladies infectieuses, des grands enfants et de diabétologie, l'unité des nourrissons, l'oncologie et les urgences pédiatriques, le service de pédiatrie du CHU Ben Badis de Constantine, d'une capacité totale de 150 lits, accueille, chaque mois, des dizaines de petits patients âgés de 0 à 15 ans. Ils ne sont pas seulement natifs de la région constantinoise : bon nombre d'entre eux viennent d'autres wilayas de l'est ainsi que du sud du pays. Ils sont admis pour diverses pathologies qui varient, nous dit-on, en fonction de la saison. Et tout ce petit monde vit dans cette espèce de grande maison blanche gérée par une foule de blouses blanches. Cela étant, bien que certains pédiatres n'aient pas relevé une pathologie prédominante parmi les jeunes patients admis au sein du service, ils affirment néanmoins qu'il y a beaucoup de diabétiques et de cancéreux. Ces derniers sont pris en charge au sein de l'unité d'oncologie, où ils reviennent régulièrement soit pour effectuer un contrôle, soit pour poursuivre leur chimiothérapie, voire radiothérapie. « Une fois le traitement terminé, les enfants atteints de cancer sont renvoyés chez eux. Ils viennent, par la suite, juste pour subir des contrôles. Il ne faut pas garder trop longtemps un enfant malade à l'hôpital », nous dit-on. Or, parfois, l'hospitalisation peut durer davantage, dictée par la nécessité de procéder à des examens radiologiques ou autres analyses complémentaires qui font passer à l'enfant malade beaucoup plus de temps au sein d'un établissement sanitaire. Généralement, c'est à cause du manque de concertation entre services, voire hôpitaux, que la durée de la prise en charge d'un malade se rallonge. « La difficile relation interservices rend l'assistance médicale d'un malade plus ardue », relève un pédiatre qui a soulevé ce problème à tous les niveaux : local, national et même à l'étranger. Un problème lié, laisse-t-il entendre, à l'absence de collaboration et de concertation entre les différents services d'une même structure sanitaire. Outre cela, notre source, s'exprimant sous le sceau de l'anonymat, déplore le peu de prise en charge à l'étranger. Des destinations controversées Les enfants atteints de cardiopathies congénitales nécessitant des interventions chirurgicales pointues sont transférés, depuis 1992, en Belgique et en Jordanie, consécutivement aux conventions signées avec ces deux pays. « En Algérie, nous n'avons pas les compétences nécessaires, alors qu'il suffirait de former des chirurgiens dans ce domaine. Nos patients n'auront, dès lors, plus à se faire opérer à l'étranger d'autant que l'on a remarqué que les résultats des interventions pratiquées en Belgique et en Jordanie sont moins bons que ceux obtenus lorsque les opérations se faisaient en France. » Dans ce contexte, il convient de souligner que chaque année, 1000 nouveaux cas de cardiopathies congénitales sont enregistrés à travers le territoire national. En 2007, le CHU Ben Badis a procédé au transfert de 18 enfants souffrant de cette pathologie grave vers l'hôpital d'Aman et celui de la reine Fabiola. Mais si certains pédiatres remettent en cause la pertinence des destinations jordanienne et belge, d'autres estiment que parfois l'état de santé préalablement peu reluisant d'un enfant laisse entrevoir un pronostic inévitablement négatif concernant son évolution, en dépit de l'intervention chirurgicale. Pour d'autres spécialistes des maladies de l'enfant, « il vaut mieux parfois procéder à une interruption de la grossesse, quand il est bien entendu avéré que le fœtus présente une pathologie grave, que de le laisser naître pour souffrir. De plus, cela éviterait au pays de gaspiller des sommes considérables dans des prises en charge souvent inutiles ». Cela dit, ce n'est pas uniquement dans le cadre des soins que l'option de l'étranger est prisée. Les « incidents » du générique C'est aussi valable pour certains médicaments indisponibles sur le marché national et que des parents d'enfants hospitalisés sont contraints de ramener d'outre-mer, parfois grâce au concours d'associations et de généreux mécènes. De plus, « le CHU de Constantine, à l'instar des autres structures sanitaires du pays, s'approvisionne beaucoup en médicaments génériques. Or il est arrivé que des produits génériques aient provoqué beaucoup d'incidents, notamment des allergies chez des enfants, alors qu'avec les produits d'origine, nous n'avons observé aucun incident », affirme notre source. Pour rappel, un médicament générique est la stricte copie d'un médicament original dont le brevet a expiré et qui est tombé dans le domaine public. Une copie conforme du médicament de référence ou princeps, appelé médicament générique, peut alors être fabriquée et commercialisée par un autre laboratoire sous un nom différent. Tout cela fait partie du quotidien d'un enfant hospitalisé qui n'est pas seulement une affaire d'interventions chirurgicales et de traitements médicamenteux, mais aussi une question de soutien psychologique et d'accompagnement sociétal. Une assistance qu'assure par exemple l'association Dounia pour enfants hospitalisés de la wilaya de Constantine dont la devise est « Pour ne pas qu'ils soient seuls ». Depuis de longues années, depuis 1990 précisément, cette association, qui compte de nombreux bénévoles et adhérents, prodigue quotidiennement attention et affection aux patients en culotte courte admis au sein des structures sanitaires de Constantine, à savoir ceux du service de pédiatrie du CHU Ben Badis, ceux de l'hôpital El Bir, de l'EHS pédiatrique du Mansourah et ceux de l'hôpital du Khroub. Depuis sa création, Dounia s'est en effet assigné comme mission d'entourer de soins les enfants malades, notamment ceux qui sont hospitalisés loin de leurs familles. Généralement, ces enfants sont originaires d'autres wilayas et ne reçoivent pas régulièrement de visiteurs. Et afin de leur faire oublier leur maladie et meubler leurs journées, les animateurs de l'association leurs prévoient des petits loisirs après les heures de soins, comme par exemple des travaux manuels ou des projections de films. « On essaye de leur fournir tout ce dont il ont besoin, que ce soit sur le plan matériel ou affectif. Surtout affectif », nous confie Mme Arfa, présidente de l'association, affectueusement appelée tata Ouarda par les enfants. Cette tata au grand cœur a travaillé depuis l'indépendance au sein du Croissant-Rouge et consacré sa vie aux autres, en particulier aux enfants. « Cela fait 18 ans que Dounia s'occupe des enfants hospitalisés en contribuant à l'achat de médicaments pour ceux dont les parents n'ont pas les moyens financiers. Des fois, le traitement est introuvable sur le marché algérien, alors on le leur ramène de l'étranger. On prend également en charge les analyses et les examens radiologiques comme le scanner ou l'IRM (imagerie par résonance magnétique, ndlr) des plus démunis. » Dounia, rire pour guérir Et les subventions alors ? « Nous n'en avons plus reçu depuis 1993. Mais cela n'empêche pas notre association d'avancer et d'œuvrer pour aider les enfants hospitalisés. Nous procédons tous les trois ans au renouvellement du bureau et adressons les rapports moraux et financiers de l'association aux services concernés », précise-t-elle, par ailleurs, en ajoutant : « Sans nos généreux donateurs, même à titre posthume, nous ne pourrions pas aider parents et enfants comme nous le faisons actuellement. Il nous est même arrivé de prendre en charge les frais des funérailles d'un enfant dont les parents sont démunis. » Outre le volet social, l'association Dounia s'intéresse également au volet animation en organisant des spectacles à l'occasion des fêtes religieuses, des concours du meilleur dessin, des travaux manuels… grâce à de nombreux bénévoles (étudiants, chômeurs, retraités et fonctionnaires) qui participent souvent, nous dit-on, aux frais de l'association, mais aussi grâce à une équipe de clowns dont la devise est « Rire pour guérir ». Ils font oublier aux enfants hospitalisés leur affection, le temps d'un après-midi. Cela étant, si l'association arrive à s'en sortir financièrement grâce à ses bienfaiteurs, elle est néanmoins confrontée actuellement au problème du local. Domiciliée au 19, rue Benazouz, dans un siège appartenant au Croissant-Rouge, Dounia a été « priée » dernièrement de libérer les lieux. Chose qui contrarie les membres de l'association d'autant que « les gens connaissent le siège actuel. Certains viennent pour demander de l'aide, d'autres nous rapportent des oboles. Or si on déménage, les gens risquent de ne pas nous retrouver », nous confie-t-on à ce sujet. L'association a sollicité à cet effet l'aide des autorités locales en vue de trouver un nouveau local dans le voisinage. Autre problème auquel est confrontée l'association, celui de certains colis envoyés de l'étranger, des vêtements et des médicaments précisément, et qui tardent à être réceptionnés. « Les formalités administratives ne nous ont malheureusement pas permis de les retirer. » Le suivi psychologique, quant à lui, est assuré par trois spécialistes affectés au niveau du service de pédiatrie dont un a été recruté dans le cadre du préemploi. D'après le chef du service de psychologie du CHUC, le docteur Aziz Kaâbouche, « la prise en charge des malades se fait de manière systématique, chaque jour, du matin au soir. Tout patient qui pose problème est suivi sur le plan psychologique, notamment dans le cas de certaines pathologies graves comme le cancer où on essaye de dédramatiser la maladie, autant pour l'enfant que pour ses parents ». Quand le malade quitte l'hôpital, il sera par la suite suivi, si nécessaire, au niveau de l'unité d'aide psychologique du CHU Ben Badis. Cependant, toute cette chaîne d'accompagnement de l'enfant hospitalisé ne peut toutefois occulter les carences en matière d'humanisation des structures hospitalières. Mais là, c'est une tout autre histoire…