« Al Qaïda va mal », d'après Gilles Kepel qui a publié une réflexion géopolitique qui va à contresens de ce qui s'écrit régulièrement sur ce sujet dans les médias occidentaux. Paris : De Notre bureau Dans une interview accordée au Figaro magazine, le spécialiste de l'Islam et de l'islamisme a constaté que « la situation en Irak est très mauvaise pour le mouvement, que des générations s'affrontent désormais au sein d'Al Qaïda et se font même parfois la guerre ». Le chercheur français a pris comme exemple la récente causerie religieuse de l'Egyptien Ayman Al Zawahiri dans laquelle il accusait l'Iran « d'avoir poignardé l'Islam dans le dos » et Nasrallah « d'être un nationaliste libanais » plutôt qu'un islamiste. Gilles Kepel ajoute aussi qu'Al Qaïda n'a pas réussi à fédérer les musulmans dans un émirat sunnite local. « Au contraire, remarque-t-il, les masses ne se sont pas soulevées derrière Al Qaïda. Pire, les tribus sunnites et les anciens partisans de Saddam l'ont instrumentalisée pour être le fer de lance d'une guerre contre les chiites et les Kurdes. Et du coup, le mouvement de Ben Laden s'est retrouvé à tuer plus de chiites que de soldats américains ». Pour Kepel, le tournant de ce revirement a eu lieu en février 2006, lorsque Zerkaoui a fait exploser le mausolée de Samara, lieu saint chiite. Un acte de trop qui a poussé de nombreuses tribus sunnites à quitter les bras d'Al Qaïda pour se jeter dans ceux des Américains au prix de millions de dollars. Alors que la stratégie d'Al Qaïda est remise en cause par une nouvelle génération de terroristes, cette dernière estime, selon Gilles Kepel, que « l'attaque de World Trade Center était une erreur et a eu pour conséquence la destruction par les Américains du sanctuaire afghan et du Londonistan ». Cette même génération considère qu'il faut tout reprendre à zéro en se basant sur l'outil internet, vu que la mouvance islamiste ne dispose plus de moyens matériels et financiers lui permettant de monter de gros coups du type du 11 septembre 2001. Par ailleurs, Gilles Kepel considère que la plus grande erreur commise par les Américains remonte au discours de janvier 2002, lorsque Georges Bush avait évoqué pour la première fois « l'axe du mal » incluant l'Iran dans cet axe. Ce qui a grandement frustré les Iraniens qui ont tout de suite mis fin à la stratégie de rapprochement avec l'Occident. Ils ont également permis l'arrivée au pouvoir du nationaliste Ahmadinejad. Enfin à la question : « Quel est le lieu le plus dangereux dans le monde ? », Gilles Kepel a désigné le Pakistan où la situation est plus que tendue depuis l'assassinat de Benazir Butho. « Il existe des zones entières surarmées, disposant de gros revenus grâce à la vente de la drogue qui arrive d'Afghanistan ». S'agissant de la France, l'auteur de Terreur et martyre, paru récemment chez Flammarion, conclut que ce pays est à l'abri du terrorisme pour deux raisons essentielles : une, Paris n'a pas envoyé de troupes militaires en Irak. Deux, les revendications des banlieues ne sont pas d'ordre islamiste mais plutôt social et d'intégration.