Spécialiste français de l'Islam et du monde arabe, le professeur Gilles Kepel a animé hier, à la Bibliothèque nationale d'Algérie, une conférence sur son dernier livre publié récemment, intitulé Terreur et martyre ; relever le défi de civilisation (Edition Flammarion, Paris, 2008). Dans son intervention, il relève que l'ouvrage en question constitue une analyse comparée de deux « récits ». L'un est prôné par le président américain George Bush, lequel consiste à consacrer la démocratie au Moyen-Orient sous l'hégémonie bienveillante de Washington. L'autre est initié par l'organisation Al Qaïda, à travers les conceptions d'un de ses responsables, Ayman Ezzawahiri.Conceptions traduites par le recours aux opérations-suicide pour mobiliser les masses à l'effet de faire tomber les régimes en place dans la région et édifier la nation islamique (El Oumma). Cependant, ces deux thèses « ont échoué », selon l'intervenant. En effet, l'idée de « la terreur » qu'il faut combattre et conçue par George Bush a pris forme après les attentats du 11 septembre 2001, marquée par le bombardement de l'Afghanistan et l'élimination du régime des taliban. Les Etats-Unis ont bénéficié en la circonstance de la solidarité internationale. S'enuit l'invasion de l'Irak et la chute de Saddam Hussein.Ainsi, de ce fait, les Etats-Unis espèrent l'adhésion à leurs côtés des populations. Ce qui permettra l'instauration d'une démocratie calquée sur le modèle américain. Aujourd'hui, la « démocratie n'est pas consacrée en Irak ». Quant à la politique américaine dans la région, elle est « remise en cause ».De son côté, l'organisation Al Qaïda, de par sa « logique conçue par Ezzawahiri, adopte initialement la stratégie des opérations-suicide en se limitant aux pays de la région. Après les attentats du 11 septembre, elle appelle à porter ces opérations sur les territoires des ennemis lointains ». Pourquoi ce changement de stratégie ? « Avant, Al Qaïda souhaitait mobiliser les masses pour faire tomber les régimes en place dans la région. Comme elle a échoué, elle décide de mener ces opérations dans d'autres pays considérés ennemis, comme Israël, les Etats-Unis et des pays d'Europe pour imposer son idéologie au monde entier. Cependant, dans les deux cas de figure, Al Qaïda n'a pas réussi à mobiliser les masses ».Ainsi, constate Gilles Kepel, les deux conceptions « différentes » amorcées par Bush et Al Qaïda pour « transformer le monde ont échoué. Le paradoxe est que l'Iran, ennemi commun d'Al Qaïda et de Bush, est devenu l'arbitre du conflit en Irak. Aujourd'hui, nous assistons à l'émergence d'un monde multipolaire. Il faut créer des partenariats basés sur la confiance, à l'exemple de l'Union européenne, pour construire l'avenir dans la complémentarité et la confiance ».