Des dizaines de personnes attendent impatiemment qu'on leur ouvre la porte du tribunal d'Hussein Dey, en cette journée chaude du 10 mars 2008. Adossés au mur du marché d'en face, accroupis devant le portail ou somnolents à bord de leurs véhicules stationnés aux abords du tribunal, ces prévenus doivent passer devant le juge de la correctionnelle. L'audience est prévue à 13h 30. Un quart d'heure avant le délai prescrit, le policier de faction fait un geste de la main, « Vous pouvez entrer », lance-t-il à une foule pressée d'en découdre. Les bancs sont occupés en deux temps trois mouvements. La partie arrière accueillera les moins chanceux, ceux qui ne trouveront pas de place pour s'asseoir. Ils sont des dizaines à être debout, l'air inquiet. L'attente paraît longue d'autant que la majeure partie des « accusés » foule pour la première fois le sol d'un tribunal. « Yakhi mafihach habs ? » (J'espère qu'on ne risque pas la prison), s'inquiète un des prévenus à l'adresse de son voisin, lui-même convoqué par la justice. « Je ne pense pas qu'on n'en arrivera là », rassure ce dernier. Un quart d'heure après, le greffier fait irruption dans la salle, dans les mains une pile de dossiers. Le paquet comporte environ une centaine de chemises de couleur jaune. Il reviendra quelques minutes après, seul, tenant un autre paquet de dossiers qui seront placés presque délicatement sur la partie centrale de la tribune, c'est-à-dire la place du président. La longue attente, qui fait suer plus d'un, tire à sa fin. Cinq minutes plus tard, la sonnette, annonçant l'entame de l'audience, retentit sourdement. Le juge, accompagné de la représentante du ministère public, récite l'expression d'usage, « Au nom de Dieu et au nom du peuple algérien, je déclare l'audience ouverte », lance-t-il avec un léger sourire. S'ensuit l'appel du premier prévenu. Ce dernier, qui certainement ne s'attendait pas à passer le premier à la barre, mettra quelques secondes à répondre à l'appel. Son « hadher » (présent) est jugé un peu tardif par le magistrat. « J'espère que je ne vous ai pas importuné en vous tirant brusquement de votre sommeil », plaisante le juge. Rires dans la salle. Le prévenu doit répondre au délit de défaut d'assurance automobile. Le mis en cause conduisait son véhicule alors que la validité de l'assurance était dépassée, ce qui est interdit par la loi. Le juge : « Pourquoi rouliez-vous sans assurance ? ». L'accusé : « Ce n'était pas un fait exprès. J'avais complètement oublié qu'il fallait la renouveler. Wallah c'est la vérité ! », jure le prévenu. Le magistrat s'adresse au procureur. Le défenseur des intérêts de la collectivité demande : « 1000 DA d'amende ». Le président tranche : « 500 DA ». Le prévenu quitte la barre avec un grand sourire. Ce verdict, pour le moins clément, contribuera à détendre l'atmosphère. Le deuxième, puis le troisième et beaucoup d'autres ayant répondu à la convocation de la justice, soit pour défaut d'assurance soit à cause du contrôle technique, bénéficieront de la clémence du tribunal. La fourchette des amendes s'est située entre 200 DA et 1000 DA. Les amendes des absents sont relativement « salées », atteignant parfois les 10 000 DA. Lors de cette audience, le tribunal d'Hussein-Dey a jugé bon d'opter pour la clémence, « prenant en considération certains facteurs », selon un avocat rencontré sur les lieux. « La majorité des automobilistes assurent leurs véhicules pour une durée d'un an, le caractère récent du parc automobile aidant, les gens peuvent donc oublier le jour du renouvellement. Idem pour le contrôle technique qui est aussi nouveau dans nos mœurs », explique l'homme de loi.