L'initiative du président français, Nicolas Sarkozy, de créer l'Union méditerranéenne ne semble pas susciter un intérêt chez les Etats des deux rives de la Méditerranée. Et ce n'est pas l'"Appel de Rome pour l'Union de la Méditerranée", lancé jeudi de Rome par le président français et les chefs de gouvernement italien Romano Prodi et espagnol José Luis Zapatero, qui va changer quelque chose. Aux côtés du président du Conseil italien et celui du gouvernement espagnol, le président français a déclaré devant la presse que "l'appel de Rome pour l'Union de la Méditerranée se concrétisera par un sommet des chefs d'Etat et de gouvernement à Paris le 13 juillet, avant le sommet informel des chefs d'Etat et de gouvernement, le 14". La démarche consistant à dresser unilatéralement un calendrier, avec à la clé un sommet de chefs d'Etat et de gouvernement pour le 13 juillet 2008, censé concrétiser le projet, renseigne sur la volonté de mettre tout le monde devant un fait accompli, sans se soucier de la position des Etats concernés, d'autant que ces derniers continuent de s'interroger sur la crédibilité d'un tel projet. Au cours de sa récente visite officielle de trois jours en Algérie, le chef d'Etat français avait fait part de son projet au président Abdelaziz Bouteflika. Nicolas Sarkozy considère l'Algérie comme un "maillon indispensable" pour la réussite de ce grand dessein. Devant le peu de détails concernant le projet, l'Algérie ne pouvait qu'adopter la position de celui qui attend pour mieux voir. Le ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, a considéré la proposition du président français de mettre en place une union méditerranéenne comme un "projet constructif" en attendant de lui donner un contenu opérationnel. En effet, les réserves exprimées par l'Algérie concernent le contenu à donner à cet ambitieux projet politique. Par ailleurs, le chef de la diplomatie égyptienne, Ahmed Aboul Gheit, a émis des doutes au sujet de l'Union méditerranéenne. "Il reste beaucoup à faire", a souligné Gheit devant les membres d'une commission du Parlement européen. Ce projet avait également suscité de nettes réserves de la part de la chancelière allemande Angela Merkel. Les pays de l'est de l'Union européenne craignent, pour leur part, qu'il ne détourne l'attention de Bruxelles vers le Sud. Ceci dit, ce projet, aux contenus encore flous et relativement indéfinis, vient télescoper là les projets déjà existants d'"Union du Maghreb arabe" et du "Processus de Barcelone". Douze ans après le lancement du processus de Barcelone, au bilan pour le moins mitigé, la France semble vouloir donner un nouvel élan à ses relations avec ses partenaires méditerranéens. Le bilan d'Euromed et l'analyse de ses échecs devraient servir de point de départ à l'édification de ce nouveau projet. Mais, comment tirer un véritable bilan d'Euromed, alors que même l'échéance de 2010 devant aboutir à la création d'une zone de libre échange euro-méditerranéenne se profile encore à l'horizon ? Quels contours devrait avoir cette "Union méditerranéenne"? D'autres interrogations surgissent. S'agirait-il d'approfondir les relations économiques privilégiées entre les deux pôles ? S'agirait-il de relancer la coopération politique et culturelle, failles du processus Euromed ? Alors que des institutions euro-méditerranéennes existent déjà, ne serait-il pas plus judicieux de les approfondir, plutôt que d'en créer de nouvelles ? Peut-on y voir un aveu officiel de l'échec d'Euromed, concernant la rive sud de la Méditerrannée ? L'Union du Maghreb arabe ayant échoué, comment les partenaires maghrébins perçoivent-ils le projet d'Union méditerranéenne ? Celle-ci pourrait-elle, paradoxalement, entraîner un rapprochement maghrébin ?