Magyd Cherfi et ses amis toulousains ont mis entre parenthèses en 2003 le groupe Zebda, alors sur la crête du succès. Chacun vole, depuis, de ses propres ailes. Magyd Cherfi s'est lancé, lui, dans une carrière solo, et a publié deux ouvrages (chez Actes sud) en 2004 et 2007, dont le dernier, La Trempe, a reçu le prix Marguerite Audoux et, tout récemment, le prix Beur FM. L'an dernier, il est revenu avec un splendide album de chansons françaises : Pas avec mon chien, qui est d'ailleurs l'un des titres de ses nouvelles. Aux dernières élections de 2008, les têtes de liste issues de la diversité, de droite comme de gauche, n'ont obtenu aucun succès lors des municipales ? Quelques adjoints, des conseillers, mais peu de maires élus. Quel est votre regard sur cet engagement sanctionné par les électeurs ? Globalement, cette diversité ne fonctionne pas. Quoi qu'on fasse, quels que soient nos talents et compétences, ce n'est jamais un élan naturel de faire appel à nous, c'est tout le temps une mécanique ou administrative, ou politique qui nous fait apparaître. Vous avez participé à la victoire de la gauche à Toulouse, mais à une place non éligible. Pourquoi ? Il se trouve que moi j'ai envie de rester chansonnier, un artiste de variétés, un écrivain et cela me prend beaucoup de temps. Quant à mon choix de suivre la gauche, c'est aussi parce que je ne pouvais suivre mes amis de Motivé-e-s avec la LCR, interpeller comme en 2001 les électeurs et leur dire on ne prendra pas de responsabilités. Il y a sept ans on l'a tenté, mais c'est pour moi une équation qui ne peut pas tenir la route. Vous voyez la vie en rose désormais ? Il ne va pas y avoir une révolution sur Toulouse. Simplement ce en quoi je crois, ce sont les valeurs de gauche. Est-ce cela amènera un plus, notamment dans les quartiers, on verra ça à l'œuvre. Après le succès immense de Zebda, pourquoi cette séparation ? En fait, c'est parce qu'on était ensemble depuis déjà plus de quinze ans. Au fil du temps, les personnalités s'affirment et les compromis deviennent plus durs. Chacun se dit pourquoi je ne pourrai pas imposer plus ma façon de voir. Le moment était venu, avec la séparation, que chacun aille faire ce qu'il a envie. On s'est dit on fait un break, et on verra plus tard si on a de nouveau envie de se retrouver. Que pensez-vous de l'album Origines contrôlées de Mouss et Halim ? Seriez-vous un jour tenté de faire une expérience similaire ? J'ai beaucoup aimé ce disque. J'aurais moi-même pu le faire car ce sont des chansons de mon enfance, celles qu'écoutaient mes parents. C'est un album complètement adorable pour moi, avec des chansons sublimes ! Je trouve que non seulement c'est un bel album, mais aussi un disque essentiel de témoignage pour les jeunes générations algériennes de l'immigration. C'est quoi pour vous les racines, alors que l'identité nationale est aujourd'hui instituée en un ministère ? Cette question d'identité c'est la peur d'une certaine France de voir le monde changer. Ce sont les derniers assauts de cette vieille France qui dit : « Non, non, nous resterons une France blanche et judéo-chrétienne. » Ce qui est le signal d'une exclusion pour nous, ou en tout cas pour les jeunes générations. Une façon de dire : « Vous êtes Français, mais vous n'êtes pas chez vous. » Dans les entretiens, il y a toujours des questions qui reviennent. Quelle est celle que vous aimeriez qu'on ne vous pose plus ? Aucune. Je connais assez bien l'univers de la question pour n'être dérangé par aucune. Quelle est celle qui vous ravit le plus ? Je crois que j'aime bien quand on me demande si ça va, qu'on se préoccupe de ma petite santé. Bio-express Magyd Cherfi, chanteur et écrivain, est né à Toulouse en novembre 1962. Parolier du groupe Zebda qui acquiert une grande renommée au début des années 2000, il réalise un album solo, La Cité des étoiles, en mars 2004. Il écrit dans le même temps un recueil de nouvelles à caractère autobiographique, Livret de famille. Son nouvel album Pas en vivant avec son chien est sorti le 10 avril 2007, puis son deuxième ouvrage, La Trempe (Actes sud, en août 2007). Il s'engage politiquement au sein du mouvement Motivé-e-s lors des municipales de 2001. Aux municipales de 2008 à Toulouse, il occupe la 67e place sur la liste socialiste de Pierre Cohen, qui emporte la mairie après plusieurs décennies de gestion par la droite.