Magyd Cherfi, leader du groupe Zebda, est toujours « motivé ». Mais cette fois-ci par l'écriture. Considéré comme la tête pensante du groupe-phare de la ville de Toulouse et du mouvement des Motivés, il prouve qu'il possède un réel talent de polémiste avec son récit « La trempe », récemment paru*. Le livre s'ouvre sur le clash du groupe suite à un évènement inattendu dans le parcours militant de Zebda. Invités à donner un spectacle gratuit dans la banlieue de Metz, le lendemain de la fête de l'Aïd El Fitr, le tour de chant va virer au cauchemar. A peine les premières notes jouées, la scène et les artistes sont bombardés par toutes sortes d'objets dangereux. L'organisatrice du concert ne trouve aucune explication plausible à cet accueil très indélicat. Dans le camion qui les ramène chez eux, c'est la consternation et le mutisme absolu. Magyd Cherfi essaye tant bien que mal de comprendre cette attitude de la part de gens qui sont du même bord que lui. Il en tire la conclusion que certains combats donnent l'illusion d'être justes mais qu'au fond, ils ne reposent que sur un enthousiasme de circonstances, très vite rattrapé par les habitudes de repli sur soi. Après ce triste épisode, l'auteur essaye de comprendre les malentendus de la vie et ce déterminisme à ne jamais devenir citoyen, dans lequel on enferme les populations d'origine étrangère. Il racle pour cela le fond de ses souvenirs. Il évoque alors sa mère devenue dans cet univers de relégation urbaine, le deus ex machina, capable de propulser ses enfants vers les cimes de la réussite. Pour la bonne cause, elle ira même apprendre le français qui remplacera le kabyle qui avait court dans les discussions familiales. Implicitement, elle avait compris que l'intégration passait par l'apprentissage de la langue du pays d'accueil. Pour motiver ses enfants, elle ira jusqu'à leur dire que toute l'Algérie les attend au tournant et qu'ils ne devraient en aucun cas la décevoir. De cette enfance passée dans un ghetto, Magyd Cherfi retient sa singularité et sa propension à s'interdire tous les jeux violents que pratiquaient ses congénères. Ainsi, il n'oublie pas de rapporter cette histoire rocambolesque où il avait pu sauver d'une mort certaine le petit chien de sœur Marie-Madeleine, prototype du philanthrope avec le cœur sur la main, qui rendaient de menus services aux familles de la cité. Le petit Magyd lui était reconnaissant pour les cours de soutien qu'elle donnait aux enfants en difficulté. Autre moment fort du récit, l'éveil à la sexualité. Il se fait pour le leader de Zebda en détaillant les corps des femmes qui venaient voir sa mère à la maison. Les câlins qu'il recevait en guise de tendresse étaient transformés par son esprit en images érotiques très coquines. Dans le dernier chapitre, Magyd Cherfi aborde l'actualité politique française du moment en interpellant avec véhémence les « beurs » qui ont rejoint l'équipe du président Sarkozy, pour leur affirmer nettement qu'ils ne sont là que pour servir d'alibi et de caution au durcissement des lois contre les étrangers. *Magyd Cherfi, La Trempe. Editions Actes Sud, Arles 2007.