Pour sa quatorzième édition, cette manifestation prend à la fois de l'importance et de l'assurance. Tétouan, la ville culturelle au riche patrimoine, surnommée la Colombe blanche, qui rayonne déjà avec son doux climat, ses musiques et ses arts plastiques, a accueilli, durant une semaine (du 29 mars au 4 avril), les cinéphiles de la Mare Nostrum. La ville, a su, encore une fois, créer l'événement. Une semaine durant, plus de 400 invités, débarquant des endroits les plus divers de la Méditerranée, ont pris part au voyage dans le monde magique du cinéma. De par sa position stratégique et malgré les problèmes de financement, Tétouan a réussi à s'imposer comme un rendez-vous incontournable des amoureux du septième art. Cette 14e édition du Festival International du Cinéma Méditerranéen de Tétouan (FICMT) a offert une moisson de projections, d'hommages aux cinéastes et de participations de réalisateurs, d'acteurs et d'auteur ainsi que de nombreuses activités périphériques. Bref, un grand rendez-vous de talents et de passions auquel divers publics ont pu participer. Sous les feux des projecteurs et les sourires de Hussein Fahmy et de Bernadette Lafont, stars du grand écran, le tapis rouge a été déroulé avant que ne soit projeté en ouverture En attendant Pasolini du cinéaste marocain Daoud Aoulad Syad, comédie burlesque qui relate l'histoire d'une équipe italienne en tournage dans un village du Haut Atlas marocain. Le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, qui a présidé la séance, a clairement manifesté sa résolution d'offrir au festival les moyens de son ambition, afin de le hisser au rang des plus grands rendez-vous du pourtour méditerranéen. Décidé d'inscrire cette manifestation comme « lieu de promotion du cinéma national », comme « espace de rencontre et de fécondation des énergies les plus créatives » et enfin, comme « forum de débats et d'échanges entre cultures et civilisations du monde », Nabil Benabdellah, président de la fondation du festival, lancera en guise de défi aux organisateurs du festival : « Saurons-nous en faire un tremplin vers un festival dans l'air du temps ? ». Au début, simple initiative de l'association les Amis du cinéma de Tétouan (ACT), animés par une même passion pour le cinéma et résolus à combler un vide culturel en la matière, le projet initial de rencontres cinématographiques s'est vite transformé en festival. Pour Ahmed Housni, son directeur, il aura fallu vingt cinq ans de persévérance et de lutte pour que la ville de Tétouan devienne ce rendez-vous incontournable des professionnels et des amoureux du cinéma du pourtour méditerranéen, un espace d'échange chaleureux et de débats fructueux sur l'avenir du cinéma de la Méditerranée en général et du cinéma marocain en particulier. Pour Housni : « Le festival aspire à plus de visibilité, à plus de rayonnement et à plus d'intérêt de la part des partenaires et des responsables de notre pays, mais aussi des responsables de la ville. » Une innovation importante a été introduite l'année dernière : le festival est devenu annuel. De plus, il a été créé une fondation du festival, présidée par l'ex-ministre de la Communication et qui regroupe le wali, le maire, le président de la région, entre autres personnalités qui contribueront à assurer la pérennité de la manifestation. Pour Hamid Aïdouni, délégué général du festival, si l'édition 2007 a constitué une étape charnière, le rendez-vous 2008, qui s'est ouvert sous de meilleures auspices, laisse espérer l'évolution durable d‘un festival qui s'inscrit de plus en plus au cœur d'interactions entre sensibilité, formation et création. La progression nettement perceptible cette année, confirme l'effort d'excellence et l'attractivité de la manifestation. Cela s'est traduit notamment par une participation de plus en plus importante des jeunes aux programmes, la multiplication des pays participants et celle des activités connexes. Tout cela, bien sûr, n'est guère le fait du hasard mais le résultat d'un engagement profond de l'équipe organisatrice, soutenue dans ses efforts par les pouvoirs publics. Le succès, dû en grande partie à la forte mobilisation des collectivités territoriales et des partenaires institutionnels, relève également de la contribution de mécènes de plus en plus nombreux ainsi que d'un soutien résolu des médias. Durant cette édition, un programme riche et diversifié a été concocté. Trois sections, toutes compétitives, ont été soumises à l'appréciation de trois jurys, composés d'éminentes personnalités cosmopolites du cinéma et de la culture. Les jurés ont eu à apprécier et juger une trentaine de films (longs, courts et documentaires en compétition, produits durant les deux dernières années). L'Algérie, était présente en compétition uniquement dans la section documentaire avec Ça tourne à Alger, de Salim Aggar (2007) qui relate la reprise de la production cinématographique en Algérie tandis que Algérie, histoire à ne pas dire de Jean-Pierre Lledo apparaissait sous le label France/Algérie. Le programme des projections spéciales, hors compétition, comprenait L'envers du miroir de Nadia Cherabi, Cartouches gauloises de Mehdi Charef et le court métrage K'hti de Yanis Koussim. Mais la présence de l'Algérie au Festival de Tétouan se caractérise aussi par l'attribution d'un Prix Azzedine Meddour destiné à récompenser la meilleure première œuvre. Pour les organisateurs, il s'agit autant d'un hommage au réalisateur décédé en mai 2000 qu'au cinéma algérien. L'autre fait important à signaler cette année a consisté à inclure dans le programme des tables rondes. La première avait pour thème « Distribution, exploitation des films et festivals » et la seconde, au point de vue plus large, portait sur « Tétouan, berceau des écrivains et des cinéastes ». L'aspect remarquable de ce festival réside dans sa dimension populaire. En effet, en dehors du noyau de films sélectionnés pour la compétition, l'évènement est l'occasion d'une diffusion massive de films méditerranéens. Ainsi, plus de 50 000 spectateurs se sont rués dans les cinq salles de projections de la ville, où ont été projetés pas moins de 84 films (tous formats confondus), égyptiens, français, italiens, turcs, slovaques, serbes, croates, algériens, tunisiens et marocains. Cette effervescence cinématographique urbaine s'accompagne en outre d'un programme dit scolaire qui vise à familiariser les enfants et adolescents au monde du cinéma et de l'audiovisuel. Judicieuse initiative qui s'est traduite par un stage d'écriture de scénario et de réalisation de courts métrages destiné aux lycéens, d'un autre à l'attention des enseignants et inspecteurs de langue pour l'adaptation d'une œuvre au programme du bac (scénario) et enfin d'un atelier de fabrication de films d'animation pour les élèves du primaire. La relève du cinéma se prépare déjà sur les bancs de l'école. Le FICMT est aujourd'hui une manifestation qui mérite tous les égards. Non seulement elle permet de découvrir de nouveaux talents, mais elle reste une des rares occasions de visionner des films, généralement invisibles sur les écrans méditerranéens, que ce soit dans les réseaux de salles ou sur les chaînes de télévision. Il est important pour les riverains de la grande bleue de découvrir comment les autres pensent, s'expriment et vivent leurs préoccupations, leurs joies, leurs malheurs et parfois leurs amours. A maints égards, le Festival de Tétouan constitue une note d'espoir pour un décollage du cinéma méditerranéen qui mérite d'accéder à une présence internationale.