La campagne en vue de boycotter les prochains Jeux olympiques de Pékin continue de battre son plein en Europe et dans d'autres parties du monde. La Chine est montrée du doigt sur le thème de l'atteinte aux droits de l'homme et aux libertés, plus particulièrement en ce qui concerne le Tibet. Les autorités chinoises, à l'évidence peu dupes des arrière-pensées qui nourrissent la menace de boycotter les Jeux, dénoncent aujourd'hui une ingérence dans leurs affaires internes. Force est de relever que la question du Tibet, qui ne constituait de souci pour personne auparavant, est arrivée à point nommé pour susciter une mobilisation dont l'ampleur touche désormais les milieux sportifs dont une instrumentalisation politique n'est en aucun cas compatible avec l'idéal olympique. Les athlètes, jusqu'à preuve du contraire, ont aussi une conscience, et c'est elle que veulent ébranler les tenants du boycottage des Jeux de Pékin en leur faisant valoir un sort tragique des Tibétains. Cela au moment même où le Dalaï Lama, plus haute autorité spirituelle du Tibet, affirme son attachement à la tenue de cette manifestation sportive planétaire. Dans le même temps, un certain nombre de chefs d'Etat, notamment en Europe, multiplient les pressions directes ou indirectes sur la Chine en laissant entendre qu'ils ne participeraient pas aux cérémonies d'ouverture des Jeux de Pékin. Face à cette tonitruante prise de conscience de l'Occident, la question se pose de savoir si elle n'est pas tardive. Et accessoirement aussi si elle n'est pas sélective. Pourquoi avoir attendu si longtemps pour découvrir que Pékin n'était pas la capitale la plus habilitée à accueillir les Jeux olympiques après en avoir accepté l'attribution à la Chine en arguant que cet événement allait favoriser son ouverture démocratique. La démarche n'a plus le même sens du double point de vue symbolique et politique et elle souligne en fait une posture hypocrite de ceux-là qui condamnent aujourd'hui ce qu'ils soutenaient hier même sans rien dire. Personne ne pouvait ignorer le caractère éminemment sensible de la question du Tibet pour la Chine et certainement pas, en premier lieu, les dirigeants de l'olympisme mondial qui avaient décidé de confier à Pékin l'organisation des Jeux de 2008. C'est pour cela que le Tibet paraît être un biais par lequel des lobbies entendent ébrécher l'image de la Chine. Pourquoi précisément maintenant si ce n'est pour détourner l'attention d'autres violations et d'autres exactions dont la Chine ne détiendrait pas le monopole que la question du Tibet lui vaut. Qui parle de boycotter Israël pour les souffrances qu'elle impose aux populations de Ghaza, les Etats-Unis — qui utilisent le supplice de la chaise électrique — pour la destruction qu'ils conduisent de l'Irak, du maintien du pénitencier de Guantanamo,etc. ? Le comble, c'est de voir que ce sont ceux-là mêmes qui asservissent, torturent et nient aux autres leurs droits humains, historiques et territoriaux, qui viennent prêcher une morale internationale mise à mal par un Occident décidément amnésique : ce n'est pas régler un problème que de l'avoir mal posé. Ceux qui veulent boycotter les Jeux de Pékin le font-ils par sincère amour du Tibet ou par haine féroce de la Chine ? Pour paraphraser le cinéaste Jean Vigo, cela vaut un zéro de conduite.