La marche, naguère inébranlable des partisans de Bouteflika à l'assaut du troisième mandat, semble sérieusement contrariée, si l'on se fie à quelques bruissements du sérail. L'enthousiasme des partisans de la « Ouhda Thalitha » est brusquement tombé en berne au point où le sujet ne capte plus l'intérêt, y compris au sein des médias acquis à la cause de Bouteflika. A présent, l'hypothèse du troisième mandat est carrément balayée par certaines sources au fait des projections du pouvoir, qui parlent plutôt d'une « rallonge » de deux années du mandat de Bouteflika. Ce serait le deal conclu en haut lieu où l'on ne voudrait plus cautionner un autre mandat alors que l'Algérie a du mal à décoller sur tous les plans. Cette lecture semble faire l'unanimité dans le microcosme politico-médiatique algérois ces derniers jours. Oui à une révision de la Constitution mais pas dans le sens voulu par Bouteflika. Ainsi le « séjour » au palais d'El Mouradia resterait limité à deux mandats seulement, mais de sept années au lieu de cinq actuellement. C'est à peu près cela la quintessence de la version revue et corrigée du fameux article 74 de la Constitution. Le président Bouteflika dont personne ici en Algérie ou à l'étranger ne fait mystère de sa volonté de rester au pouvoir, à jamais si possible, se serait donc heurté à un niet des autres décideurs de vouloir s'offrir un mandat complet de cinq ou sept ans. C'est au demeurant cette même version des « fuites » que le site internet d'informations toutsurlalgerie.com a livrée dans son édition d'hier citant des sources proches de la présidence de la République. Certaines sources évoquent même l'insistance, vaine, de Bouteflika de « vendre » la candidature de son frère Saïd pour occuper le poste de vice-président dans le cadre de la nouvelle architecture constitutionnelle. Et c'est semble-t-il la principale pomme de discorde entre lui et les officiers de la grande muette qui auraient opposé leur veto. Bruissements du sérail Un journal électronique maghrébin réputé pour être proche de Bouteflika en a même fait son principal sujet sur l'Algérie il y a quelques semaines. Quoi qu'il en soit, s'il est vrai qu'il ne faut pas s'attendre à une communication officielle à ce propos dans un pays qui cultive le culte du secret, « le ticket » Bouteflika ne semble plus faire consensus parmi les différents centres décisionnels. Et ce glissement du mandat présidentiel à sept ans apparaît comme une solution médiane qui satisfait tout le monde, qui plus est offre la possibilité d'une transition en douce. D'un côté, Bouteflika serait tout de même content de pouvoir régner encore deux années faute de mieux, et sans avoir à subir l'affront du dictateur qui veut s'offrir une Constitution sur mesure aux yeux de l'opinion nationale et internationale. De l'autre côté, les décideurs disposeront ainsi d'une marge de manœuvre pour préparer le successeur de Bouteflika. Ils auront tout le temps de « décongeler » une personnalité du sérail, d'adouber une personnalité nationale consensuelle – on parle de Hamrouche – ou alors de populariser Ahmed Ouyahia. Il est en tout cas significatif que Bouteflika adopte plutôt profil bas ces derniers temps. Dans ses réponses lors de ses deux sorties médiatiques via Reuters puis dans les colonnes du journal du Qatar Al Arab, il était très mesuré voire évasif aux entournures dès qu'il était question de la révision de la Constitution. Si sa formule on ne peut plus détachée à savoir que « toute Constitution est perfectible » lui a valu tout de même des interprétations et des extrapolations tirées par les cheveux, les observateurs n'ont pas manqué de noter un discours de fin de règne. Pour cause, le ton fougueux, décisif qu'on lui connaissait au summum de son pouvoir semble céder la place à une posture d'un homme calme, voire fatigué. La multiplication des émeutes est un signe qui ne trompe pas. Cette protesta se décline politiquement comme un bilan réel des années Bouteflika. Et si l'on ajoute l'irruption soudaine d'Ouyahia dans l'arène diplomatique – chasse gardée du président – après l'avoir lui-même limogé de manière humiliante en 2006, il serait aisé de conclure que le sommet de la pyramide du pouvoir subit lentement mais sûrement un lifting. On aurait donc plus besoin d'ébruiter les dialogues d'un scénario bien écrit. Le moment venu, la symphonie sera exécutée et l'orchestre, discipliné, applaudira à tout rompre.