A six mois d'un rendez-vous politique aussi important que l'élection présidentielle, l'Algérie donne l'impression d'être un pays plombé qui ne sait trop quoi faire. Les théâtrales incitations à destination de Bouteflika pour qu'il brigue un troisième mandat, qui auront largement parasité le débat politique deux années durant, se sont subitement taries. Aujourd'hui, les algériens n'entendent ni les partisans ni les adversaires de la « Ouhda Thalitha ». Ce match nul – sans jeu de mots – ne semble même plus amuser la galerie des souteneurs, encore moins emballer les algériens d'en bas qui n'en ont cure d'un rendez-vous politique rendu insipide par ceux qui décident à la place du peuple. Le fait est que la scène politique est curieusement figée, alors qu'elle est censée s'animer à quelques mois seulement d'un scrutin présidentiel. Nous avons d'un côté le camp du Président qui, à force de valser, ne sait pas trop sur quel air danser tant que le chef d'orchestre n'a pas encore donné le tempo. De l'autre, nous une classe politique qui réagit par à-coups. Elle se dispense d'activer par elle-même et attend d'être tirée de sa léthargie par… Bouteflika ! Eh oui, le débat politique en Algérie se fait par et pour Bouteflika. Si le Président parle, son discours est de suite analysé, commenté et interprété selon des lectures souvent aléatoires. Mais c'est toujours un semblant de vie politique qui vient meubler un vide sidérant, histoire de casser la routine. Et fatalement, quand le Président se tait ou se fait plus discret, c'est aussi un motif de curiosité public et, bien sûr, un gibier inespéré pour les journalistes à l'affût d'un signe ou d'un code à décrypter. Question : quel intérêt reste-il encore à cette élection présidentielle discréditée par une atmosphère de démobilisation nationale et cette tenace impression de « déjà su » ? Que Bouteflika rempile au soir de l'élection ou que le système sort de son « frigo » un dernier Mohican pour porter sa voix au moins pour cinq ans n'intéresse pas beaucoup d'algériens qui ont fini par divorcer d'avec la « boulitique ». Et ce pourrait être une démarche tactique de Bouteflika et son entourage de cacher leur jeu en entretenant cette image d'un homme malade et finissant qui s'apprête à transmettre le témoin de la République, histoire de chloroformer ses éventuels rivaux. Et ces derniers justement attendent que soit connu le sort de Bouteflika avant de se lancer dans la bataille. Leur argument est que si le Président en exercice se lance à l'assaut d'un troisième mandat, cela voudrait dire que les clans au pouvoir lui ont donné l'onction. Dans le cas contraire, son successeur devrait être porté au pinacle par la propagande officielle, histoire de le préparer et de le faire adouber de gré ou de force. Ce procédé est tellement connu et usé en Algérie qu'il ne bénéficie même plus de l'effet surprise. Que Hamrouche, Benflis, Mehri se taisent et que Benbitour s'élimine avant même le début de la course est un signe de cette bien curieuse façon de faire de la politique chez nous, qui consiste à ne pas se mouiller et attendre que le téléphone des décideurs sonne. En cela, Bouteflika et toutes ces personnalités citées se ressemblent beaucoup tant elles dépendent, comme lui, du parrainage des chefs militaires. Le système ? Cet insondable machine à fabriquer les personnalités et à broyer le pays reste, lui, sauf. Doit-on donc, in fine, prendre au sérieux la candidature du chef du FNA Moussa Touati qui promet d'être un « chasseur plutôt qu'un lièvre » ? Il a au moins ce mérite de sauver les formes, en ce sens que la vocation d'un parti, c'est avant tout de prendre le pouvoir par les urnes. La chasse… aux candidats est donc ouverte.