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Jimmy Gurulé, expert américain de lutte contre le terrorisme
« La pauvreté n'est pas le critère de recrutement de kamikazes »
Publié dans El Watan le 23 - 04 - 2008

« L'invasion de l'Irak est une source d'inspiration pour les terroristes et un facteur aggravant pour le recrutement ». « Ben Laden a entraîné 10 000 terroristes en Afghanistan ». « La pauvreté n'est pas le principal critère des kamikazes ». « Les gouvernements ont une responsabilité morale sur la qualité de vie de leurs citoyens ». Ce sont quelques phrases clés lancées par Jimmy Gurulé, expert américain de lutte contre le terrorisme.
Expert américain dans le droit criminel international et le terrorisme, Jimmy Gurulé a longuement parlé, hier, lors d'une vidéo-conférence animée au siège de l'ambassade des USA à Alger, sur le financement du terrorisme islamiste et des moyens de lutte contre ce fléau à dimension internationale. Devant un parterre de journalistes et de spécialistes, l'expert a indiqué que la pauvreté « n'est pas le principal » facteur de recrutement de terroristes en général et de kamikazes en particulier, arguant du fait que les auteurs des attentats du 11 septembre 2001 ont fait des études aux USA et étaient de milieux non défavorisés. « Ben Laden est issu d'une famille très riche, Al Zawahri est un médecin, et Mohamed Atta a fait ses études aux Etats-Unis d'Amérique et l'auteur des attentats du 11 juillet 2005 à Londres a lui aussi fait des études en Grande-Bretagne. Ce qui prouve que la misère n'est pas souvent le critère de recrutement... », a expliqué M. Gurulé.
Lutter contre les sources de financement
Combattre ce phénomène, a-t-il précisé, nécessite une stratégie basée sur trois aspects : l'éducation, les opportunités de travail et la coopération internationale. Une « solution » qui semble en contradiction avec la politique des Etats-Unis en matière de terrorisme et qui repose essentiellement sur le volet militaire. « La guerre contre le terrorisme nécessite un volet militaire, mais qui soit coordonné avec tous les autres aspects de lutte, à savoir la coopération internationale, le développement économique et l'éducation », a-t-il répondu. L'expert a estimé la lutte contre le financement du terrorisme « primordiale », dans la mesure où elle permet de priver les groupes armés des fonds nécessaires pour l'organisation des attentats. « L'aspect du financement est pour nous aussi important que celui du démantèlement des organisations terroristes. Tous les groupes, y compris ceux d'Al Qaïda au Maghreb, ont besoin d'argent pour monter des opérations kamikazes et des attentats... », a-t-il ajouté. Il a affirmé que l'enquête sur les attentats du 11 septembre 2001, menée par le Bureau fédéral d'investigation (FBI), a montré que ces opérations ont coûté entre 300 et 5000 dollars US, alors que le budget annuel d'Al Qaïda est estimé à 30 millions de dollars US. « Les terroristes ont besoin non seulement d'un budget d'organisation, mais également pour les opérations. Il faut distinguer entre les deux, et l'expérience a montré que pour chaque attentat, les réseaux d'Al Qaïda au Maghreb ou ailleurs ont besoin d'argent pour sa préparation. C'est pour cela que nous disons que la lutte contre les sources de financement doit être l'une des priorités. D'abord au niveau des banques, où les Etats doivent mettre en place des instruments de contrôle des mouvements de fonds et veiller à ce que tous les usagers des banques soient connus et enregistrés à travers l'application de lois très strictes en matière de contrôle des mouvements de fonds... », a déclaré l'expert américain. Il a précisé par ailleurs que les terroristes utilisent souvent l'argent du commerce informel, ou généré par les activités des associations caritatives, de même qu'ils recourent au blanchiment d'argent. « Dans ces cas, les Etats sont tenus d'enregistrer ces commerces pour s'assurer que leurs revenus n'alimentent pas les réseaux terroristes par la mise en place d'instruments de régulation du marché. » Interrogé sur la relation entre le terrorisme et le règlement juste des conflits régionaux, notamment au Moyen-Orient, M. Gurulé a donné une réponse très évasive. Pour lui, la communauté internationale doit faire en sorte que le règlement du conflit israélo-palestinien soit juste, tout en relevant que la fin de ce conflit ne veut pas dire la fin du terrorisme. « Al Qaïda a des objectifs : chasser les Américains du Moyen-Orient et du monde arabe en général, et s'attaquer aux pays musulmans qui, selon elle, se sont éloignés de la religion, pour en fin de compte, rejeter toutes les lois des parlements et des institutions et les remplacer par les lois divines... », a expliqué l'expert, en relevant que les victimes d'Al Qaïda ne se comptent pas uniquement parmi les Américains, mais surtout parmi les autres nationalités.
« Agir sur l'éducation »
Selon lui, l'invasion de l'Irak est une source d'inspiration pour les terroristes d'Al Qaïda et un facteur aggravant pour le terrorisme en général, précisant toutefois que les attaques contre les intérêts de son pays ne datent pas de 2003 (année de l'invasion de l'Irak). « Il y a eu les attentats contre les ambassades américaines en Tanzanie et au Kenya, puis contre le navire USS Cool, au Yémen, tous dirigés par Ben Laden, alors qu'il était en Afghanistan sous la protection des Talibans. Entre 1996 et 2001, Ben Laden a entraîné quelque 10 000 terroristes. Donc, il ne faudra pas qu'il aille contrôler une quelconque partie du monde. » Sur la question de la définition du terrorisme, M. Gurulé a déclaré qu'il s'en tient à celle avancée par le Conseil de sécurité de l'Onu. Quelles que soient les motivations politiques, religieuses ou ethniques, lorsque des civils sont tués, la communauté internationale est tenue de condamner et non de justifier ces actes. L'expert a réitéré la position de son pays concernant le refus catégorique de négocier avec les terroristes pour libérer des otages. Une position qui repose sur le fait que les kidnappings sont, pour l'expert, un des moyens qu'utilisent les terroristes pour financer leurs organisations. Tout comme d'ailleurs le trafic d'opium auquel s'adonnent les Talibans en Afghanistan, a expliqué M. Gurulé, et qui, selon lui, génère annuellement un milliard de dollars US, soit 50% du PIB. Se référant au rapport de l'ONU pour l'année 2007, l'expert a affirmé que 93% d'opium qui circulent dans le monde proviennent de l'Afghanistan, « et ce n'est certainement pas un hasard », a-t-il noté. Avant de conclure, le conférencier a beaucoup insisté sur les facteurs qui poussent les jeunes à rallier les terroristes. « Les leaders des groupes terroristes sont souvent des gens instruits et issus de la classe moyenne. Pour les attentats kamikazes, ils recrutent parmi les jeunes les moins instruits, pas forcément pauvres, mais surtout bien endoctrinés. L'inspiration et l'idée sont les principaux facteurs de recrutement. C'est pour cela qu'il faudra agir sur l'éducation et la lutte contre les idées. » A signaler que le conférencier a occupé plusieurs hautes fonctions dans l'administration judiciaire, spécialisée notamment dans le domaine de la lutte contre la drogue, le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.


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