Selon le président de la chambre d'agriculture de la wilaya de M'sila, de novembre 2007 à mars 2008, les 25 000 éleveurs de la région ont eu droit à 250 q d'orge par mois, soit 0,25% des besoins mensuels. M'sila. De notre correspondant Au moment où le ministre de l'Agriculture et du Développement rural affiche à tout bout de champ dans ses propos une certaine autosatisfaction en matière de subvention du prix de l'orge, les éleveurs, au niveau de la wilaya de M'sila, confrontés aux effets dévastateurs de la sécheresse, assistent impuissants à la décimation de leur cheptel. Pour les éleveurs, c'est faire preuve de cynisme que de prétendre prendre en charge leurs préoccupations au moment où ils ne perçoivent, à défaut de disponibilité, même pas 400 g d'orge par tête et par mois. Ration fixée par le secteur de l'agriculture et mise à disposition théoriquement au niveau de l'OAIC. L'inconvénient, c'est que ce produit se trouve plutôt sur le marché noir. C'est ainsi que pour les éleveurs, le rationnement de l'aliment du cheptel en période de grande sécheresse à 400 g équivaut à la mise à mort qui ne dit pas son nom d'une profession et la précipitation d'une large population dans la paupérisation. Bouhadja Mohamed, 75 ans, éleveur dans la commune de Slim, a soutenu, à ce propos, que « le mouton a besoin de 800 g à 1 kg d'orge par jour ». Et pour lui, ce rationnement explique au moins une chose : « Que les pouvoirs publics sont totalement déconnectés de la réalité d'une activité dont la sécheresse accélère le processus de mise à mort. » « Ils ignorent l'existence même de toute une population », a-t-il ajouté. Et de poursuivre : « Cette ration de 400 g/tête/mois nous revient en réalité cher du fait que le déplacement à l'OAIC de M'sila est très coûteux. Il faut savoir que la location d'un camion (4000 DA) n'est pas à la portée de la majorité. Aussi, beaucoup d'entre nous préfèrent acheter de l'orge du marché noir au prix de 3000 DA le quintal. Mais cela reste insoutenable. » De novembre à ce jour, dira le président de la chambre d'agriculture de la wilaya, « la filière composée de 25 000 éleveurs a bénéficié seulement de 1000 q pour des besoins mensuels de 100 000 q pour un effectif de 2,3 millions de têtes ovines ». A croire celui-ci, cela voudrait dire que durant une période de 4 mois (novembre-mars), les 25 000 éleveurs de la région ont eu droit à 250 q par mois, soit 0,25% des besoins mensuels. Si les besoins incompressibles du cheptel ovin en orge de la wilaya s'élèvent à 100 000 q par tête et par mois, ce besoin est de 43 kg (43 000 g). Par rapport à la ration de 400 g d'orge par mois et par tête que le département ministériel de Barkat s'était fixé, ce chiffre de 43 000 g, qui représente 107,5 fois cette ration, explique l'ampleur du déficit entre les besoins vitaux du cheptel et la fameuse ration dont a bénéficié une proportion de 7,3% du cheptel, soit 170 000 ovins durant la période novembre-mars. Ce qui fait que 2,13 millions d'ovins attendent indéfiniment cette poignée d'orge qui semble être hors de portée pour le moment. Cette situation éclaire un tant soit peu sur l'ampleur du désarroi des éleveurs de cette wilaya face, disent-ils, « au dépérissement inéluctable de leur cheptel principalement dû aux effets dévastateurs de la sécheresse et à l'incohérence de l'évaluation des besoins de l'activité élevage faite par le ministère de l'Agriculture ». Le dilemme des éleveurs Face à la conjugaison des effets de la sécheresse et l'« imprévoyance » des pouvoirs publics, des pans entiers d'éleveurs sont confrontés à un véritable dilemme. Poursuivre l'exercice de l'activité et prendre le risque de crouler sous le poids de l'endettement pour la survie du cheptel jusqu'à tout hypothéquer, ou bien vendre leur bétail à bas prix, abandonner l'activité d'élevage et s'engouffrer dans la spirale infernale de la pauvreté. C'est l'expérience amère vécue par Benthameur Mohamed, 54 ans, éleveur à Slim : « J'avais un troupeau de 70 ovins que les parcours de Slim calcinés par la sécheresse ne nourrissaient plus. Cela a été compliqué par la cherté des éléments vitaux entrant dans la chaîne alimentaire du cheptel, en l'occurrence le son qui est cédé à 2400 DA/q et l'orge qui coûte 3000 DA/q. Au bout de 4 mois, je me suis lourdement endetté. J'avais opté après coup pour la vente de mon cheptel. Je n'ai eu aucun retour sur mon investissement. En effet, j'ai vendu 7500 DA la brebis que j'avais payée au mois de septembre 2007 à pas moins de 14 000 DA. » De cette catégorie d'éleveurs qui ont perdu une grande partie de leur capital, il y a Ghazi Bachir. « J'avais un troupeau de 150 têtes au début de la saison. Face à la sécheresse et en raison de mon incapacité financière à faire survivre mon cheptel en cette période de vaches maigres, j'ai dû vendre une bonne partie de mes bêtes pour nourrir le reste. Il ne me reste aujourd'hui que 95 têtes », dit-il désappointé. Et de poursuivre : « J'ai dû sacrifier pas moins de 55 brebis pour me maintenir dans cette activité séculaire. » « A cette allure, a-t-il ajouté avec un sentiment de dépit, c'est le dépérissement du cheptel qui me guette inéluctablement. » Les éleveurs, quelle que soit la nature de leurs élevages (gros, moyens ou petits), vivent un profond malaise, surtout depuis la chute vertigineuse du niveau de la pluviométrie qui est passé de 114 mm au premier trimestre 2007 à 17 mm au premier trimestre de l'année en cours, soit un déficit de 94 mm. Les caprices du temps ont fini par avoir raison des derniers espoirs de toutes les catégories d'éleveurs. A cela est venue s'ajouter l'incurie sévissant à grande échelle en matière d'exploitation des parcours. Des parcours fragilisés par les défrichements récurrents. Les plus fragiles d'entre ces éleveurs abandonnent l'activité et optent pour l'exode. Les autres, voyant leur capital se réduire à une portion congrue sous l'effet des coupes successives pour l'entretien du capital restant, se retrouvent en dernier ressort pris dans les filets de la paupérisation. Pour eux, c'est bien l'impasse !