A quelques jours de la tenue du 4e congrès, la guerre de succession à la tête du parti du défunt Mahfoud Nahnah fait rage. D'un côté, un Bouguerra Soltani qui refuse de sortir du sérail en s'accrochant à la présidence du MSP, quitte à rendre son tablier de ministre d'Etat, et de l'autre, un Abdelmadjid Menasra qui veut à tout prix prendre les rênes du parti. A une semaine de la tenue de son 4e congrès, le parti islamiste du défunt Mahfoud Nahnah bascule vers une lutte intestine de leadership, entre un Bouguerra Soltani qui ambitionne de briguer un second mandat et le jeune Abdelmadjid Menasra qui veut arriver au sommet de la pyramide de la « haraka » (le mouvement). Entre les clans des deux candidats potentiels, la guerre est désormais déclarée et tous les moyens sont bons pour arriver au pouvoir. Bouguerra Soltani a compris qu'il a perdu la bataille du majlis echoura (conseil consultatif), à partir du moment où cette haute instance a entériné plusieurs résolutions d'amendement du statut et du règlement intérieur du parti, parmi lesquelles celle obligeant les candidats à la présidence du parti à démissionner du gouvernement. Une résolution que Bouguerra Soltani voit comme « un moyen d'exclusion » même si au fond il s'est déclaré publiquement prêt à l'appliquer, pour peu « qu'elle soit avalisée » par le congrès. Tout comme il a contesté l'adoption par le majlis echoura de la résolution qui lui confère le droit de proposer des candidats pour la présidence du parti. Bouguerra a compris que le conseil consultatif n'est plus de son côté, mais de celui de Menasra. L'alternative est de compter sur les relais qu'il a au niveau du congrès, sur lesquels il a d'ailleurs misé tous ses espoirs pour se maintenir à la tête du mouvement. « Nous refusons tout paternalisme et plaidons pour un congrès ouvert », a déclaré Bouguerra Soltani en réponse à l'implication de la famille du défunt Mahfoud Nahnah et de certains membres fondateurs du parti qui soutiennent ouvertement la candidature de Menasra. « Nous sommes prêts à respecter les résolutions du conseil consultatif, mais à condition qu'elles soient soumises au vote par les congressistes, qui sont les seuls habilités à refuser ou à entériner les changements proposés. Un congrès de 1400 membres est plus représentatif qu'un conseil de 208 membres », a affirmé mardi dernier le porte-parole du parti, Mohamed Djoumoua, représentant le clan de Bouguerra Soltani, tout en exhortant ce même conseil à « respecter » les conditions de bon déroulement du congrès en insistant surtout sur « la protection du droit à l'expression des congressistes ainsi que la garantie de la transparence totale ». Une manière de mettre en garde contre ce qu'il a appelé un « hold-up » sur les décisions du congrès. « Le conseil, est l'emanation du congrès » Hier, c'était au tour de Nasreddine Salem Cherif, président de la commission de préparation du 4e congrès, de tenir un point de presse en présence de nombreux cadres proches de Menasra. « Je suis président de la commission de préparation du congrès, mais je ne peux cacher qu'en tant que cadre, j'ai des penchants », a-t-il déclaré. Sa sortie n'est en fait qu'une riposte aux propos de Mohamed Djoumoua. Pour lui, le conseil est « l'émanation » du congrès, ses activités sont « légitimes » et respectent la ligne du parti basée sur « la participation agissante » au sein du gouvernement pour « aider à la réforme politique, à la promotion du rôle de la femme, au renforcement de la vision islamique de l'Algérie, afin de combattre les nombreux fléaux qui rongent la société comme la drogue, la corruption et le phénomène des harraga ». De nombreuses résolutions L'orateur est revenu sur les conditions des différentes étapes qui ont conduit le conseil consultatif à adopter les nombreuses résolutions et qui, selon lui, émanent de la base. « Avec ces résolutions, nous aspirons à renforcer les institutions et non les personnes », a précisé Salem Cherif. Ce dernier a reconnu le recours à certains membres fondateurs, « mais uniquement pour constituer une sorte d'espace de réflexion et d'analyse pour profiter de leur expérience ». A ceux qui ont dénoncé cette « incursion », il a cité un dicton arabe qui signifie tout simplement que : « Le fils ne doit pas se rebeller contre le père. » Revenant aux résolutions du conseil, le responsable a affirmé que parmi les propositions avancées par le bureau national au conseil consultatif, celles qui exigent des cadres la déclaration du patrimoine, notamment pour ceux qui sont appelés à occuper des postes officiels. « Toutes ces résolutions seront soumises au congrès qui est souverain dans ses décisions. Nous n'avons fait que transmettre les revendications de la base », a-t-il lancé. Salem Cherif a expliqué que la résolution relative à la démission du gouvernement pour le candidat à la présidence du parti n'est pas une forme d'exclusion. « Elle existait dans le statut du parti en 2003, mais elle a été amendée. Néanmoins, nous avons estimé que celui qui dirigera le mouvement doit se consacrer totalement au parti et désigner d'autres cadres pour occuper des postes au sein du gouvernement et qui eux aussi ne se consacrent par la suite qu'à leur nouvelle mission. » A propos d'un éventuel soutien à un troisième mandat que le congrès pourrait annoncer, le conférencier a répondu : « Cette option n'est pas à l'ordre du jour. Notre souci aujourd'hui est d'assainir la situation et de sortir de cette crise plus renforcés qu'avant. » Salem Cherif a néanmoins évité d'être explicite sur les griefs reprochés à Bouguerra Soltani. Il a juste déclaré : « Nous attendons le rapport moral et financier qui sera présenté lors du congrès. » Une manière de sous-entendre que des vérités vont être dites. En fait, Bouguerra Soltani aura à affronter une opposition prête à tout pour lui faire perdre un second mandat. Il est question de l'interpeller sur l'affaire Khalifa, non pas celle suivie par l'opinion publique et relative au dépôt des fonds des caisses sociales dans les comptes d'El Khalifa Bank, mais plutôt celle qui a été étrangement étouffée et qui concerne les fonds des PME-PMI, confiés à El Khalifa Bank, à l'époque où il était ministre chargé de ce dossier. D'autres griefs notamment à propos, dit-on au MSP, « de crédits bancaires qui auraient été accordés dans des conditions douteuses à son fils, dans le cadre du développement agricole ». Autant dire que tous les moyens sont bons pour les partisans de Menasra pour peu que ce dernier accède au pouvoir. Les travaux du 4e congrès s'annoncent déjà houleux, même si certains sont convaincus que les jeux sont déjà faits.