Les ambitions politiques de cet homme dépassent de loin une simple place à l'ombre du pouvoir de Bouteflika ou de quelqu'un d'autre. L'arrivée de Bouguerra Soltani à la tête du MSP, estiment tous les observateurs, ne restera pas sans conséquences sur les grands équilibres politiques du pays. Ce parti, d'obédience islamiste modérée, devrait basculer vers un plus grand radicalisme avec un homme comme Soltani à sa tête. Ce dernier, qui ne cache guère ses ambitions politiques, qui a bataillé durement pour se hisser à la tête de ce parti, compterait se présenter à la course à la présidentielle d'avril 2004. L'annonce en serait faite à l'occasion de la première réunion du madjliss echoura (très largement expurgé des éléments jugés «mous») après ce congrès. En prévision de cette sortie, la nouvelle direction nationale du MSP compte, estiment des sources proches de ce parti, prendre de plus en plus ses distances vis-à-vis du pouvoir. Ainsi, le moins que l'on puisse dire c'est que les changements opérés à la tête du MSP, et donc dans sa ligne, ne seront pas sans lourdes conséquences sur la coalition gouvernementale et les fragiles équilibres politiques en haut depuis que le FLN a entrepris de batailler dur en vue de préserver son intégrité morale et physique et de garantir son autonomie et la souveraineté de l'ensemble de ses décisions. Le président du MSP, a-t-on appris hier, devrait animer une conférence de presse dans les tout prochains jours en vue d'annoncer la couleur. Il serait question de prendre ses distances avec le pouvoir jusqu'à quitter le gouvernement sur la base d'arguments politiques imparables. Le MSP, estiment les tenants de l'aile dure qui avaient toutes les chances de remporter la bataille, a perdu trop de terrain en ayant intégré la coalition gouvernementale pour ne plus la quitter depuis le tout début des années 1990. Son terrain a été conquis aussi bien par les partis nationalistes d'un côté qu'islamistes de l'autre. Résultat. Les dernières élections, législatives et locales, ont sonné comme un sérieux (et sans doute dernier) avertissement avant le début de la fin. Il est même possible que les deux ministres du MSP n'aient même pas besoin de démissionner. A l'occasion du remaniement ministériel prévu, croit-on savoir, dès la prochaine rentrée sociale. Ces ministres pourraient carrément ne pas être reconduits afin de prévenir une éventuelle crise politique que causeraient des démissions à des moments inattendus. Le MSP, qui a beaucoup de temps et de terrain à rattraper, devra même mettre les bouchées doubles et se montrer plus virulent encore que ne l'est son frère ennemi du mouvement Islah. Un parti qui a eu l'intelligence politique d'opérer un grand rapprochement avec les deux anciens leaders de l'ex-FIS quelque temps avant leur libération. Ali Benhadj, dans une lettre rendue publique par la voix de son frère Abdelhamid, indiquait qu'il voulait se présenter comme candidat, mais qu'une fois empêché il ne manquerait pas de dire son mot, en apportant son soutien au candidat qu'il jugerait le plus proche de ses convictions et qui donnerait le plus de garanties politiques au leader d'un parti qui ne désespère toujours pas de revenir un jour sur la scène politique officielle. Si le MSP est en train de jouer gros en ce moment, sans la moindre garantie d'obtenir le moindre résultat, le plus grand perdant de ces changements opérés à la tête de ce parti, est sans conteste le Président Bouteflika. Il ne fait pas de doute que Bouguerra Soltani ne soutiendra pas un second mandat du Président, et qu'il tentera même sa chance, avec l'appui de son parti, de son parcours militant et des soutiens dont il jouit dans sa région natale. Le défunt Mahfoud Nahnah, invité de notre rubrique «A coeur ouvert avec L'Expression», avait indiqué soutenir Bouteflika s'il venait à briguer un second mandat. Empêché lui-même de se présenter et ne pouvant laisser un autre cadre le faire au risque de l'éclipser, Nahnah n'avait pas d'autre choix que de jouer cette carte. Bouteflika a perdu gros après ces changements opérés à la tête du MSP. Le réajustement dépasse de loin, en effet, le simple parti qu'est le Mouvement de la société pour la paix.