Rien ne va plus au MSP ! Un schisme profond divise le Mouvement de la société pour la paix (MSP), formation islamiste se réclamant de la mouvance des Frères musulmans. Mutineries en série, guerre de leadership, autour de prébendes et privilèges, démissions en cascade de militants ; au MSP, on n'en finit pas de compter ses crises. Des crises qui ont tôt fait de se manifester, au lendemain même de la disparition du fondateur et leader charismatique de l'ex-Hamas, le cheikh Mahfoud Nahnah, en 2003. La guerre de succession à laquelle s'étaient livrés Bouguerra Soltani, président actuel du parti et son ennemi juré, Abdelmadjid Menasra, lors du 4e congrès du parti, en 2008, a fini par éclater au grand jour. 6 ans après le départ de cheikh Nahnah, la « galère MSP » prend de l'eau de toutes parts. Menasra, prétendant malheureux à la succession de Soltani lors du congrès de mai 2008, crée le 13 avril dernier son propre parti, le Mouvement pour la prédication et le changement (MPC). Les dissidents se présentent comme les légataires légitimes et dépositaires authentiques de l'héritage du cheikh Nahnah, et accusent l'ex-ministre d'Etat, sans porte-feuille, Bouguerra Soltani d'avoir « dévié » le MSP de la « ligne tracée par le cheikh Nahnah ». L'annonce de la création de ce nouveau parti, faite via un communiqué non signé, transmis à la presse, déclenchera une avalanche de démissions au sein du MSP. Deux jours après, Abdelaziz Mansour, député MSP de Boumerdès, mène la fronde au niveau de l'Assemblée populaire nationale (APN). Il annonce la démission de 28 députés et leur ralliement au MPC. « La démission était dans l'air depuis près de dix mois. Après la crise du 4e congrès, nous avons approché le président du parti pour le convaincre d'aller vers le rassemblement de tous les cadres militants. Mais il a refusé de nous écouter et s'est lancé dans une purge sans précédent, écartant tous ceux qui n'étaient pas avec lui lors du congrès. Nous lui avons accordé un délai de grâce de plusieurs mois, espérant qu'il allait finir par comprendre que sa politique d'exclusion n'est nullement dans l'intérêt du parti », écrivent les députés démissionnaires dans une lettre transmise aux journaux. Le 2 mai à Alger, des présidents d'APC, des vice-présidents, des maires délégués, des élus APW et des conseils communaux annoncent dans un communiqué leur rupture organique avec le MSP. A Boumerdès, même scénario. 5 cadres, dont 3 élus APW, 2 présidents d'APC et 20 élus APC/APW quitteront le parti. A la tête de la dissidence féminine, l'ancienne vice-présidente de l'APN et secrétaire nationale aux affaires féminines et familiales du MSP, Aïcha Belhadjar, rendait public, le 5 mai, le départ collectif de 556 femmes du MSP pour cause de fonctionnement « non démocratique ». A Skikda, 52 militants démissionnent le 11 mai du parti pour rejoindre les rangs du Mouvement de la prédiction et du changement. Jamais ce mouvement, à la méthode entriste bien rompue, n'a subi pareille saignée. La direction du parti tentera d'atténuer la gravité de crise et de démentir systématiquement les vagues successives de défections de ses cadres les plus influents et ses militants de base. Démissionnaire lui aussi…du gouvernement – qu'il quittera fin avril dernier –, Bouguerra Soltani essaiera de circonscrire le feu qui ravage la « maison MSP ». « La dissidence ne représente que 3% de la base militante », déclarait-il à El Oued. Une dissidence, décidément plus aguerrie, mieux organisée qu'auparavant et qui tombe surtout sous les bonnes grâces du ministre de l'Intérieur. Début mai, Noureddine Yazid Zerhouni réitère sa disponibilité à légaliser le MPC : « On est prêts à leur accorder un agrément pourvu qu'ils répondent aux critères », déclare-t-il. Dix-neuf ans après sa création le 6 décembre 1990, le Mouvement de la société pour la paix est rattrapé par ses contradictions et ses nombreuses compromissions avec le pouvoir. Les « islamistes maison » se sont révélés, d'après le politologue Rachid Tlemçani, (lire interview El Watan du 23 avril 2009) de « redoutables partenaires dans une économie de bazar en plein essor ». « Le courant islamiste, dit-il, paie aujourd'hui la facture des dérives affairistes de son leadership. » Le MSP, catapulté 3e force politique du pays, est en phase de devenir une coquille vide.