C'était une première. Patrons et syndicats pour un même combat : soutenir les travailleurs « sans papiers » dans leur démarche administrative. Près de 900 travailleurs de l'ombre sont sortis de leur anonymat pour réclamer leur régularisation. Paris : De notre bureau La CGT, qui a encadré depuis le début le 15 avril la grève de quelque 600 d'entre eux, s'est chargée de remettre au ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale et aux préfectures concernées une liste d'environ 900 noms. Le ministère a précisé que les 900 dossiers ne seraient pas forcément tous déposés vendredi soir, mais dans les jours qui viennent étant donné la difficulté de réunir les pièces nécessaires. Travaillant pour la plupart pendant de longues années dans la restauration ou dans les services, les grévistes étaient déterminés à aller jusqu'au bout de leur action. « Quand je les ai engagés, ils m'ont présenté des pièces d'identité et avaient tous les documents nécessaires. Je ne savais pas que c'était des faux. J'ai versé les sommes nécessaires aux organismes comme l'Urssaf pendant toutes ces années. Ils payaient leurs impôts et étaient de bons travailleurs. Aujourd'hui, ils ont tout mon soutien. Je perds entre 7000 et 10 000 euros par jour depuis le début de la grève. Je ne peux pas embaucher du jour au lendemain des personnes non qualifiées qu'il faut former. Financièrement, ce serait une grande perte », confie un patron d'une entreprise paysagiste. Selon Raymond Chauveau de la CGT Massy, sont joints aux dossiers des 600 grévistes ceux relevant de « trois autres cas de figure » : les femmes travaillant dans l'aide à la personne, les salariés sans feuille de paie mais qui peuvent établir des liens avec l'entreprise et les salariés qui ont été licenciés depuis le décret de juillet 2007 qui fait obligation aux employeurs de vérifier les papiers de leurs salariés. La classe politique et les syndicats se sont saisis du dossier, même s'il y a une forme de consensus sur une non-régularisation massive, l'opposition demande un déblocage immédiat. De nombreuses voix s'élèvent à gauche et à droite pour réclamer une clarification, voire une révision des critères de régularisation des dizaines de milliers de salariés sans papiers en France. Le secrétaire général de la CFDT, François Chérèque a réclamé une « réunion avec le gouvernement, le Premier ministre, les syndicats, les associations et les employeurs pour décider des règles de régularisation des sans-papiers ». Le syndicat Force ouvrière a aussi demandé que « les travailleurs immigrés embauchés illégalement puissent bénéficier d'une régularisation de leur situation dès qu'ils engagent une démarche en lien avec une organisation syndicale représentative ». Après avoir observé un silence gêné, le gouvernement a fait un geste envers les grévistes pour refermer la porte des régularisations aussitôt. « J'indique sans ambiguïté qu'il n'y aura aucune opération de régularisation massive. Il ne peut y avoir qu'un examen au cas par cas en fonction de la réalité d'un contrat de travail, de la situation de l'emploi dans un secteur sous tension ou d'un département. Il n'y a là ni improvisation ni débordement », prévient le ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale. Le président de la République, faisant l'amalgame entre carte de séjour et nationalité française, entre régularisation et naturalisation, se veut plus ferme. « On ne devient pas Français uniquement parce qu'on travaille dans la cuisine d'un restaurant ». Il reçoit un retour de bâton immédiat de l'ancienne candidate à l'Elysée, Ségolène Royal : « Si c'est volontaire, il a fait un amalgame pour capter son électorat traditionnel et c'est irresponsable. » Le petit millier de salariés sans papiers, dont la situation va être examinée rapidement, ne représente que la partie immergée des dizaines de milliers d'autres travailleurs de l'ombre employés dans divers secteurs de l'économie, principalement la restauration, l'hôtellerie, le nettoyage et le BTP.