Le ministre français de l'Immigration et de l'Identité nationale a chargé les préfets de prendre soin des travailleurs sans-papiers. Le dossier de l'immigration clandestine revient de nouveau sur la scène politique française. Le mouvement de grève observé par les salariés sans-papiers a ébranlé le département de Brice Hortefeux. Le ministre chargé de l'Immigration et de l'Identité nationale a pris au sérieux ce dossier. Mardi soir, il a instruit les préfets de prendre soin des travailleurs sans-papiers. Véritable concession! Le gouvernement français vient, pour la première fois sous l'ère Sarkozy, de réagir positivement. Les 600 travailleurs ont effectivement eu gain de cause. La grève des sans-papiers, qui a duré environ une semaine, a sérieusement interpellé le gouvernement François Fillon. Une réunion s'est déroulée, lundi soir, au ministère de l'Immigration en présence d'une délégation de la CGT (Confédération générale des travailleurs). Vingt-quatre heures après, le département de Brice Hortefeux a assoupli sa position ouvrant la porte à la régularisation de cette catégorie de travailleurs. Le même jour, il a chargé les préfets de se mettre à la tâche. Depuis hier, les préfectures ont été prises d'assaut par les sans-papiers. Le département de l'immigration espère que cette politique permettra d'endiguer le mouvement engagé par le syndicat de Bernard Thibault. Ils sont des centaines d'illégaux, travaillant principalement dans la restauration, le bâtiment et le secteur du nettoyage, qui souffrent depuis une dizaine d'années de l'absence d'une couverture légale. Aujourd'hui, un certain nombre de patrons réclament également des titres de séjour pour les salariés illégaux. André Daguin, le patron de la puissante Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih), affirme qu'«il faudrait régulariser quelque 50.000 personnes pour répondre aux pénuries d'emploi en France». Le sujet en question a eu un grand écho dans les médias français. Hier, plusieurs quotidiens ont consacré leur une à l'événement. Or, la décision du ministère de l'Immigration n'a pas fait l'unanimité. «Le sort des salariés sans papiers entre les mains des préfets» titre Libération. Selon ce journal, en proposant une rapide sortie de crise à cette grève, le gouvernement évite une éventuelle extension du mouvement. «Avec un compteur arrêté à 600 régularisations, il peut espérer ne pas rompre avec sa posture de sévérité envers les sans-papiers», même si Marine Le Pen, vice-présidente du Front national, a affirmé hier que «l'immigration clandestine, censée être un sujet fondamental de [l'] action [de Nicolas] Sarkozy, est aujourd'hui une nouvelle voie d'immigration ouverte légalement par le gouvernement», écrit-il. Pour le Parisien, Hortefeux, envoyé en première ligne pour déminer, est sous pression, d'où sa décision d'accepter d'entrer dans un processus de régularisation, mais pour le Parisien c'est clair, le gouvernement cède sous la pression. Il a même publié une interview d'un député UMP, Etienne Pinte, ancien maire de Versailles, qui pense qu'il n'y a pas d'autre solution que de régulariser les sans-papiers qui sont en France depuis longtemps. Quant à la solution retenue par le gouvernement, le cas par cas, il considère que «c'est une posture, pour éviter d'être accusé de se contredire et de régulariser massivement». L'Humanité, très engagé depuis le début dans ce combat des sans-papiers initié par la CGT, reste plus méfiant. Il salue seulement un premier pas vers le droit des sans-papiers qui marquent un point, dit le journal communiste. Mais pour l'Humanité pas question de trop rêver. Le cas par cas, ça reste une loterie. Dans ce journal, on souligne que l'économie a tout simplement besoin des immigrés, tandis que les hommes des pays pauvres, eux, ont besoin de travail. Mais le quotidien communiste dénonce l'attitude du gouvernement et du patronat. Avec la politique de l'immigration choisie. «Ils veulent se garder la possibilité de puiser dans les réservoirs de main-d'oeuvre, dans le grand vivier africain, pour se servir des hommes à flux tendu, comme des machines, sans leur donner la reconnaissance et la citoyenneté», explique l'éditorialiste de L'Humanité. Dans ce débat, Michel Noblecourt dans Midi Libre remarque que le gouvernement est confronté à une sorte d'union sacrée inédite entre la CGT et le patronat de la restauration. La Croix souligne également à quel point il est rare d'entendre les mêmes mots à gauche et du côté du patronat, le patronat dont des responsables évoquent eux aussi la perspective d'une régularisation massive pour les sans-papiers: «Quelque chose, dit La Croix, est en train de changer sur ce dossier empoisonné.» En effet, la grève des sans-papiers révèle au grand jour que des secteurs entiers de l'économie ne trouvent pas de main-d'oeuvre en dehors des travailleurs étrangers. Un état de fait qui aura au moins une vertu, espère encore La Croix, celle de pousser l'opinion publique à remettre en cause les préjugés sur ces immigrés qu'on ne souhaite pas voir chez soi, mais qu'on utilise sans scrupules pour des tâches dont on ne veut pas soi-même.