Le Conseil national économique et social (CNES) vient d'établir un rapport sur un thème tout aussi pointu que difficile à cerner tant il renferme de multiples facettes le plus souvent insoupçonnées et aussi enchevêtrées les unes aux autres. Pour le CNES, il s'agit d'une première : « L'économie de la connaissance, facteur clé du développement : quelle stratégie pour l'Algérie ? » Le sujet reste d'une importance évidente dans un pays comme l'Algérie, dont les réformes tous azimuts interviennent de plus en plus rapidement et profondément en même temps. La connaissance - l'apanage de l'homme - constitue à ce titre une arme la mieux indiquée pour lutter contre le sous-développement. Ainsi le CNES a-t-il voulu attirer l'attention des pouvoirs publics sur le retard qu'accuse l'Algérie en matière de ce qu'il désigne comme « potentiel humain ». Au-delà des évidences et des lieux communs, il importe de souligner que le projet de rapport en question s'est montré fragile devant la complexité du thème qui a besoin, pour une meilleure appréhension du problème, de données plus concrètes susceptibles de restituer l'image fidèle de la réalité dans les différents paliers de l'acquisition du savoir, de sa pratique ainsi que de sa diffusion. Le CNES a-t-il néanmoins aussi bien l'excuse de la jeunesse de prise de conscience autour de ce problème en Algérie, généré dans le sillage des nouveaux défis qui s'imposent au pays, que le mérite de s'en être autosaisi. Le CNES a survolé la situation prévalant dans ce domaine de « l'économie de la connaissance » en se référant aux données statistiques sur le nombre d'analphabètes, sur la scolarisation, sur les limites du système éducatif, etc. Mais un indicateur s'il en est sur le sujet : l'emploi. Pour mieux souligner le déficit de qualification en Algérie, le CNES a tenu à mentionner que « près de 75% des demandeurs d'emploi sont sans qualification, même si le chômage des diplômés tend à progresser (100 000 chômeurs diplômés en 2000 et 140 000 en 2004) ». Encore qu'il s'agisse ici de qualification seulement et non de ce nouveau concept, la compétence, qui fait l'objet d'une littérature densifiée dans les manuels sur le management relatif aux ressources humaines. Le rapport a informé également que sur « les 17,5 millions de personnes ayant un niveau d'instruction, plus de 13 millions (74,4%) n'ont pas dépassé le niveau moyen ». Mais le plus grave, c'est que la formation en Algérie est surtout insignifiante. A-t-on vraiment besoin de chiffres nationaux pour faire un état des lieux sur les besoins qu'éprouve le pays dans les métiers comme la maçonnerie, la plomberie et d'autres encore ? « La part de financement allouée au système éducatif, si elle est proche de celle observée en moyenne dans les pays développés, n'a cependant pas produit les mêmes résultats sur le plan des rendements et de l'efficacité dans le fonctionnement des sous-systèmes : fort taux de déperdition scolaire, faible taux de réussite au baccalauréat (...), taux de réponse à la demande de formation encore peu satisfaisant (...) et sureffectif dans l'enseignement supérieur », note le CNES. Ajoutez-y le défaut de connexion entre le marché du travail et le milieu universitaire où l'on recense déjà « un problème réel d'orientation ». Quant au reste, inutile d'insister, comme pour mieux coller à la thématique abordée par le CNES sur la nécessaire mise à niveau des connaissances, soit à travers le transfert des technologies, soit par le biais de la formation des cadres nationaux. En matière de mise à niveau, et en plus des besoins évidents des entreprises algériennes, est-il judicieux de demander quelles sont les disciplines ou les spécialités nouvelles que le pays doit commencer à intégrer dans tout le système de l'enseignement et de la formation pour tenter de prendre en charge des besoins nouveaux exprimés en la matière ? Reste enfin que la question de développement est une notion qualitative. Et que la fuite des cerveaux, un sujet que le CNES a évacué en une phrase, se mesure en pertes certaines pour notre pays. Sous d'autres cieux, c'est effectivement en économie qui se mesure en pourcentage de PIB produit. En Algérie, on ne sait pas encore à combien est estimée cette perte en termes de création de richesses ou de montant investi dans la formation de cette élite. Le mal du pays est à chercher dans le déficit en matière d'encadrement, d'expertise, mais aussi en matière de pas mal de métiers basiques.