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Le Conseil des ministres
Extraits. Le Vent dans le musée de Aberrahmane Zakad
Publié dans El Watan le 08 - 05 - 2008

Dans la grande salle, une longue table ovale en bois de chêne était couverte de feutrine de couleur verte. Seuls les pieds, sculptés en volute, apparaissaient. Autour de la table aux bords moulurés, des fauteuils en cuir étaient soigneusement alignés. Sur trois faces des murs lambrissés, de grandes baies assuraient l'éclairage au travers de croisées fermées, les rideaux ouverts. Accroché sur le mur du fond, un tableau de Dinet Femmes de Boussaâda. Au milieu de la table ovale, une grande vasque en béton d'où émergeait un palmier cycas, comme pour faire rappeler, selon les impressions, les douceurs de l'oasis ou bien la rigueur de l'erg (…). Un énorme lustre accroché au plafond tombait à la verticale sur le cycas, telle une toupie. Au fond, de part et d'autre du tableau du peintre, une porte en bois massif. Celle de gauche par où arriverait le Président, l'autre pour les ministres. Décor néo-mauresque, salle climatisée — voire aseptisée —et il n'y avait pas une mouche. A 10 h, comme tous les mercredis, le Conseil des ministres se réunissait. Les services du protocole inspectèrent la salle par habitude et déposèrent devant chaque siège un feuillet contenant l'ordre du jour. Trois points y étaient inscrits : la question de la pomme de terre vendue dans les marchés, pleine de terre, le problème de la longueur des queues d'artichaut et l'épineuse question du saumurage des anchois. Toutes ces questions perturbatrices concernaient la ménagère truandée par des commerçants malhonnêtes soit sur le poids, soit sur la qualité. Et la ménagère, c'est d'abord une femme dont il faut respecter la liberté entamée par « les Lois de l'Homme », ensuite une mère de famille avec des enfants qu'il faut nourrir correctement. Et les enfants poussent, grandissent, deviennent des hommes et votent. Il est donc important de bien les nourrir et les exulter pour qu'ils vivent afin que, plus tard, ils votent comme il convient. Les ministres arrivèrent, l'un après l'autre ou parfois en groupe, par affinités physiques ou politiques et s'assirent à leur place habituelle. Le Président entra dans la salle d'un pas décidé qui fit se lever tout le monde. — Assis, leur dit-il d'un ton sec qui fit rappeler au ministre de l'Economie sa classe de sixième. Ensuite arriva un monsieur, le visage rond derrière de grosses lunettes, cheveux ébouriffés, habillé d'un costume fripé, une chemise jaune avec un col écorné et une cravate rouge. Etait-ce un universitaire qui, visiblement, ne finissait pas le mois avec son salaire ? On se posait des questions. — J'ai décidé de faire assister un expert pour les questions qui nous intéressent, dit le Président. (…) La séance est ouverte.
Premier à prendre la parole, le ministre du Maraîchage. Après avoir décrit le circuit et le processus de la vente de la pomme de terre, depuis l'ensemencement jusqu'à l'étalage, il reconnaissait qu'en fin de course la pomme de terre était mise à la vente moitié-moitié, c'est-à-dire une part de terre pour une part de pomme. La ménagère payait donc deux fois le prix de la pomme de terre. — Quelle mesure comptez-vous prendre, Monsieur le Ministre ? questionna le Président. — Nous avons fait appel à un laboratoire. Les essais effectués ont démontré qu'une fois lavée, le poids de la pomme de terre sans terre diminuait de moitié. Des mesures sont envisagées pour qu'à l'avenir la pomme de terre soit lavée après la récolte. — Donc, vous envisagez, l'interrompit le Président. Savez-vous, Monsieur le Ministre, que la ménagère pour nourrir ses enfants n'envisage pas de faire une purée, elle la fait. — Ça sera fait, Monsieur le Président, répondit le ministre en bafouillant. La pomme de terre sera lavée. (…) On passa à la question de l'artichaut. L'expert, à qui le Président demanda d'exposer l'affaire, se fit clair, concis et convaincant. Il expliqua que le mot dérive de l'italien dialectal articiocco qui, lui-même, vient de l'arabe. Certains ministres, qui rêvent d'être ambassadeurs, notèrent le mot sur leur calepin. L'expert conclut que les artichauts se vendaient sur les étals avec des queues de différentes longueurs, ce qui fausse le poids. Le ministre du Maraîchage le relaya en poursuivant : — Monsieur le Président, Messieurs. La genèse de ce problème vient de l'arrachage. Chaque fellah coupe la queue de l'artichaut selon son inspiration et selon qu'il se courbe un peu plus ou un peu moins. (…). En outre, comme le pays est vaste, la longueur des queues varie d'une région à l'autre, selon la tradition et les pratiques séculaires. — On a compris, coupa sèchement le Président. Que comptez-vous faire ? — Une commission étudie la question, assistée d'experts de divers instituts. Mais je puis vous assurer que ce dossier sera ficelé avant la prochaine récolte. Les ménagères ne verront plus les grandes queues comme dans le passé. Les ministres comprirent l'exposé, mais sur leur visage se lisait un scepticisme qui n'encourageait pas à aller au marché. « Pauvres ménagères », susurra le ministre des Habous en louchant de biais sur Les Femmes de Boussaâda, accroché au mur. « Des diseuses de bonne aventure. Haram », songeait-il. La parole fut ensuite donnée au ministre des Poissons pour la question des anchois saumurés qui posaient également un problème de poids. Le ministre, par un exposé didactique embaumé de prosodie, une diction claire et une articulation synchrone, intéressa au plus haut point ses collègues. Ils apprirent beaucoup de choses. — L'anchois, dit le ministre, est un poisson bleu, commun en Méditerranée. Il est pêché également sur les côtes du Pérou. Il est de la famille des engraulidés, à ne pas confondre avec la sardine qui est, elle, de la famille des clupéidés. En outre, l'anchois est un poisson à section circulaire, tandis que la sardine a une section ovale. Cette dernière, plate, est plus grande avec une chaire fragile pour la conservation. L'assistance écoutait attentivement, s'imaginant dans l'amphi d'un institut de médecine. C'était sérieux, il ne fallait rien rater. Allons-nous assister à un cours de dissection anatomique de la sardine ? Le ministre de la Santé était à son troisième feuillet. Le ministre des Transports faisait des équations sous les yeux inquiets du ministre du Tourisme. (…)
t al. .ooooRS ! cria le Président d'une voix perçante qui réveilla tout le monde. Le lustre sur le cycas oscilla légèrement. Un lourd et troublant silence figea la salle. Tous les ministres attendaient, curieux, comment leur collègue allait s'en sortir. N'est-il pas vrai qu'une simple sardine avait bloqué le port de Marseille ? boutade-t-on. « Ça y est, il est cojacé », semblait dire un ministre du parti majoritaire. « Parle, bon Dieu, parle. Dis n'importe quoi, comme dans une campagne électorale », lui criait des yeux un ministre ami. Malgré la pression et une tension salée, le ministre des Poissons retrouva ses aises, son souffle, du courage et de la clarté dans son esprit. — Mon département ministériel, Monsieur le Président, a constaté au cours de nombreux contrôles que les commerçants faisaient passer pour de l'anchois une sardine qui ne se prête pas au saumurage. Ceci d'une part. D'autre part, pendant la salaison, les fabricants augmentent exagé-rément les quantités de gros sel afin de gagner sur le poids. Ainsi, les ménagères, quand elles achètent de l'anchois qui n'est, d'ailleurs, que de la sardine, payent le sel et se font avoir sur la chair. Enfin, certains commerçants utilisent des sardines au stade d'alevins. — Ah ! Le vin ! Ya hafidh, qu'est-ce qu'il a à parler de vin ? dit en douce un ministre islamiste à son voisin. Ce n'est plus un Conseil des ministres, c'est un restaurant. Les autres ministres, sur le qui-vive, écoutaient, perplexes, inquiets, sauf l'opposition qui jubilait. Le ministre des Poissons était mal parti. Il poursuivit : — Aussi, Monsieur le Président, nous sommes en voie de trouver une parade à ces pratiques. Dorénavant, il sera exigé des fabricants de mettre moins de sel et plus d'anchois en étageant les différentes couches comme pour un mille-feuille. Une grosse couche d'anchois sur une fine couche de gros sel et ainsi de suite. Avec moins de sel, on obtiendra de la chair à bas prix. Les spécialistes ne se sont pas encore mis d'accord sur l'épaisseur des couches. On a aussi découvert qu'il se passe dans le saumurage un phénomène d'osmose inverse que seuls les chimistes peuvent résoudre ; nous attendons donc leurs conclusions. Un décret est en préparation pour réglementer la hauteur des différentes couches. Je rappelle que la technique est connue depuis les Phéniciens, mais hélas, comme dans bien d'autres domaines, on ne se réfère pas à l'histoire. Les Phéniciens qui longeaient nos côtes... Le Président l'interrompit sèchement : — Monsieur le Ministre, occupez-vous de vos poissons et laissez la politique étrangère de côté. C'est mon domaine. Messieurs, je n'envie pas nos ménagères. Au prochain conseil, je vous ramènerai les femmes et vous vous débrouillerez avec elles. Toute la politique de la bouffe est à revoir. La séance est levée. Le Président se leva, une main subite et mystérieuse retira son fauteuil. Il quitta la salle en regardant, attendri, les seules femmes présentes dans la salle : Les Femmes de Boussaâda, œuvre du peintre Dinet.


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