Une séance des plus houleuses a caractérisé, dès son ouverture à la cour de Constantine, le procès du juge A. B. et de l'expert foncier H. A., inculpés pour corruption et condamnés à une peine de 7 ans de prison ferme par le tribunal de Chelghoum Laïd le 11 mars dernier. La séance devait débuter par un bras de fer entre une partie de la défense du juge et le ministère public. En effet, toute la procédure, engagée depuis le 28 février, date du dépôt de plainte pour corruption contre le juge, « est entachée dans sa forme par des entorses très graves, tant elles constituent une violation flagrante des articles 576 et 16 du code de procédure pénale », selon les avocats. Ces articles indiquent qu'un juge ne peut faire l'objet d'une procédure de flagrant délit et exige plutôt l'ouverture d'une information judiciaire. Pour ce qui est de l'article 16, relatif aux compétences territoriales des enquêteurs de la police judiciaire, la défense a insisté sur le fait que cette entorse a vicié toute la procédure engagée contre le juge. Le ton a vite fait de monter entre les avocats qui ont récusé dans sa forme toute la procédure ayant entraîné la poursuite et la condamnation du juge, et le représentant du ministère public qui, pour sa part, a écarté toute éventualité de retour sur les procédures engagées jusque-là, estimant que ces articles ne concernaient aucunement les juges corrompus. A cet instant, et suite à « un écart de langage » de la part de l'un des avocats sur la position exprimée par le ministre de la Justice sur l'affaire, le juge Benzouaï, sur un ton des plus sévères non sans une pointe de colère, a levé la séance. Cet arrêt qui n'a duré que quelques minutes a donné une autre tournure au procès du fait que le juge a rejeté en bloc les arguments de la défense sur la forme procédurale pour entamer, après une pause de 15 minutes, le traitement sur le fond de l'affaire. Dès lors, sont appelés à la barre, la victime, le témoin et les deux accusés, à savoir le juge B. A. et l'expert foncier H. A. Après moult tergiversations entre accusés, témoin et victime, la parole a de nouveau été donnée aux avocats, lesquels ont d'abord demandé au juge de rejeter les affirmations du témoin du fait qu'il soit le beau-frère de la victime. Par la suite, la défense s'est attelée avec une grande facilité à démonter et à remettre en cause les circonstances ayant entraîné le flagrant délit. Pour ce faire, ils ont mis en lumière le peu de sérieux avec lequel a été menée cette opération par les enquêteurs qui, disent-ils « ont trouvé des billets jetés par terre et sur lesquels aucune empreinte n'a été recueillie ». Au terme de leur plaidoirie, ils demanderont l'acquittement pur et simple de leur mandant et sa libération du fait que toute l'affaire est une cabale montée de toutes pièces contre le juge à qui on en voulait pour une affaire de foncier. Le représentant du ministère public a requis la peine maximale pour les deux coupables, soit 10 ans de prison ferme et le gel des comptes bancaires du juge B. A., sur quoi le juge devait renvoyer en délibéré le verdict qui sera prononcé mercredi prochain.