Chaque année, ils sont de moins en moins nombreux. Ils sont la mémoire vivante de l'un des événements les plus atroces de l'histoire contemporaine, la Nakba palestinienne. En 1948, l'Etat d'Israël a été créé sur les deux tiers de la Palestine historique, rendu possible par l'exode forcé de centaines de milliers de Palestiniens devenus des réfugiés dans le tiers restant de la terre, puis qui fut occupée en 1967, ou dans les pays arabes limitrophes. Ils ont toujours représenté la facette humanitaire de la question palestinienne. Leur nombre actuel dépasse les six millions, mais ils sont peu nombreux ceux qui ont vécu l'événement et qui s'en rappellent. Les enfants âgés de10 ans à l'époque, ont vieilli, aujourd'hui, ils sont âgés de 70 ans, du moins pour ceux qui sont toujours en vie. Ces hommes et ces femmes, qui représentent la première génération de la Nakba, et bien qu'âgés rêvent toujours d'un retour au bercail, dans leur terre et leur foyer. El Hadj Mhamad Abou Chammala, 77 ans, se souvient du moindre détail de cette dramatique époque .« Je me souviens de l'exode forcé de tous les habitants du village de Beït Daras, survenu après plusieurs batailles contre les colons israéliens plus nombreux et surarmés. Aux alentours de notre village, dans nos terres agricoles, les juifs ont essuyé de lourdes pertes en tentant d'occuper notre village à trois reprises, et chaque fois ils repartaient bredouilles, abandonnant leurs morts derrière eux. Mais le manque de munitions et l'aide de l'armée anglaise aux colons, nous a poussés à quitter notre village, qui est l'un de ceux qui ont été totalement démolis. Je me rappelle qu'il y avait une mosquée et une école primaire. Nos terres sont très riches, on cultivait de tout et on vivait des revenus de nos cultures. Nous vivions une vie tranquille et avions même des relations de bon voisinage avec les colonies juives voisines. Au début on considérait les juifs comme des êtres pauvres qui cherchaient à vivre en paix, mais ce n'est qu'après, lorsqu'on commençait à entendre les coups de feu dans les colonies, qu'on a commencé à suspecter ces gens de vouloir entreprendre quelque chose de mauvaise augure. En fait, ils s'entraînaient pour nous voler notre terre et nous en chasser. »Les larmes aux yeux, il continuait son histoire comme si cela datait d'hier : « durant l'attaque de notre village au mois de mai 1948, nous avons essayé de faire sortir les femmes, les enfants et les vieilles personnes, mais les colons embusqués ont réussi a tuer plus de 200 personnes, alors qu'ils étaient désarmés. Nous nous sommes ensuite dirigés vers la bande de Ghaza distante de plus de 40 km. Nous avons tout laissé derrière nous. Quand on pense aux promesses faites par les armées arabes qui nous assuraient que notre retour ne tarderait pas et qu'il s'agissait de jours et pas de mois ! Cela fait 60 ans et nous sommes toujours au même point et peut être pire. Nous avons tout enduré durant ces années, la pauvreté, la malnutrition, les maladies et l'humiliation. La naissance de l'olp nous avait redonné espoir car on commençait a ne compter que sur nous mêmes, mais je ne peux pas dire, aujourd'hui, que nous avons beaucoup évolué. Avec notre Front tiraillé par les divisions, j'ai peur que la Nakba soit loin d'être à son terme. Aujourd'hui, j'ai plus de 30 fils et petits fils, qui savent qu'ils ne doivent jamais renoncer à nos terres dans notre village et qu'ils sont originaire de Beït Daras dont j'ai été chassé ainsi que toute ma famille. Je rêve toujours de pouvoir retourner dans mes terres, même si c'est seulement pour y être enterré. »