Après le retour au calme, la gendarmerie a découvert une partie des meubles et affaires volés lors des opérations de razzia opérées dans les commerces et maisons mozabites de la rue Mada, durant les premiers heurts de vendredi 16 et samedi 17 mai. Entreposés dans un hangar situé en plein centre du quartier dit Kosovo, de Haï El Moudjahidine, habité par la communauté arabe, ces biens ont été déplacés dans plusieurs camions sous escorte, alors que le propriétaire du hangar a été arrêté. Cette découverte intervient au moment où les parents d'élèves des deux communautés étaient réunis, jeudi dernier, au siège de la daïra, pour discuter avec les responsables de l'éducation sur les examens de fin d'année. Les deux parties se sont entendues pour envoyer leurs enfants passer leurs épreuves, mais dans des établissements préalablement choisis et avec une escorte, dans la mesure où de nombreux élèves sont obligés de traverser la « ligne de front » pour arriver à leur centre d'examen. Les familles des deux communautés ont accepté l'accord alors que les responsables de l'éducation ont promis de mettre à la disposition des enfants des bus escortés par les services de sécurité jusqu'aux établissements. Si cette nouvelle a quelque peu rétabli la sérénité et le calme, puisque la ville a repris sa vie normale, après l'approvisionnement des commerces, la réouverture des administrations et la reprise des moyens de transport, l'annonce par les autorités de l'installation d'une commission parlementaire d'information sur les événements a suscité de lourdes interrogations. Les deux communautés, notamment mozabite, avaient appelé à une commission d'enquête et non pas d'information, pour situer les responsabilités et juger les auteurs de cette grave situation. « Nous ne voulons pas connaître les circonstances des événements, parce que nous les connaissons. Nous voulons situer les responsabilités de chacune des communautés et de chacun des responsables locaux, afin de les sanctionner et éviter qu'à l'avenir de telles violences ne se répètent. Les auteurs de cette fitna ont créé une cassure entre deux communautés qui vivaient en parfaite cohabitation. Aujourd'hui, il est très difficile de reprendre vie avec quelqu'un qui a saccagé votre maison, brûlé vos biens, et tenté de vous tuer en mettant le feu dans votre foyer… », déclare un des notables mozabites. Son avis est partagé par une bonne partie de sa communauté qui estime que la décision du Parlement montre que quelque part les autorités « ne veulent pas traiter une fois pour toutes et à la source des causes » de ces événements qui, pour eux, remontent aux dernières élections communales de 2007 lorsque, pour la première fois dans l'histoire, un Mozabite se présente avec la casquette du RCD et est élu majoritairement. Lors des élections communales de juin 1990, c'est la liste des indépendants qui a été élue, puis elle a cédé la place au RND et au FLN qui se relayaient jusqu'au dernier suffrage de 2007, où le RCD a créé la surprise. Le jeune élu, universitaire, se comporte en maire de toute la ville. Mais celle-ci va commencer à se débattre dans de graves problèmes de sécurité, liés notamment à la petite criminalité. La seule brigade de gendarmerie semble dépassée et les éléments qui y exercent ne mettent jamais les pieds dans l'un ou l'autre quartier. « Les agressions se multiplient et les vols deviennent le lot quotidien des habitants. Chaque jour, la criminalité augmente et les gendarmes, faute de moyens humains, adoptent une position de spectateurs », raconte un médecin de la ville. « Les étrangers sont les salafistes » Les événements du mois de mars dernier, à l'occasion du Mawlid Ennabaoui, où un jeu de pétards entre adolescents a fini par mettre le feu dans la cité, « n'étaient en fait que le prélude du chaos. Des gens ont préparé un plan pour déstabiliser la ville. Mais la réaction des deux communautés a été à la hauteur. Des pactes de paix ont été signés entre les deux communautés dans les quartiers mixtes. Chacun s'est engagé à défendre l'autre lorsque les siens les attaquent et vice versa. Un accord qui a d'ailleurs permis de faire face à la crise lors des seconds événements ayant éclaté vers la mi-avril. La mise en échec du plan diabolique des incendiaires a poussé ces derniers à récidiver, mais cette fois-ci en profitant de l'absence totale des services de sécurité. Les agressions se répétaient sans cesse. Jusqu'à ce jeudi 22 mai, lorsqu'un bus de jeunes lycéennes a été, pour la seconde fois, attaqué par des jets de pierres. Encore une fois, les gendarmes n'ont pas réagi et les policiers qui avaient ouvert une sûreté de daïra, trois jours auparavant, n'étaient pas encore actifs », explique un professeur de lycée. Les Mozabites affirment qu'ils n'ont fait que « riposter à des attaques devenues insupportables », et leurs voisins d'en face avancent également les mêmes propos. Pour ce qui est de ces hommes « encagoulés » ou « enturbannés », les deux communautés expliquent ce déguisement par le fait que durant les deux premiers événements, des enregistrements filmés ont été faits et diffusés sur internet. Ce qui a permis à la justice de poursuivre les auteurs de violences. « Cette fois-ci, les gens ont pris des précautions pour ne pas être identifiés. Certains sont venus des zones limitrophes de Berriane, Laghouat, ou Hassi Rmel, et qui ont des comptes à régler avec la région. Mais beaucoup sont de Berriane. Ils ont pu être reconnus par leurs voisins, juste à leur accent ou à leurs vêtements. C'est le cas des auteurs de l'assassinat, à coups de couteau, de Daghour Aïssa, ce sexagénaire, père de huit enfants, le samedi matin. Les voisins ont vu ceux qui lui ont asséné les quatre coups de couteau dans le dos, et ceux qui assuraient leur retraite de loin, en jetant des cocktails Molotov », note un médecin qui affirme que la gendarmerie a fini par convoquer ces témoins jeudi dernier. En tout, une trentaine d'auteurs présumés de ces événements ont été arrêtés. D'autres notables de la région n'écartent pas le facteur idéologique ou religieux. Pour eux, la ville connaît depuis quelque temps un prosélytisme actif des salafistes se réclamant de la Salafiya ilmiya. « Nous avons de tout temps attiré l'attention des services de sécurité et de l'administration locale sur les activités de la Salafiya ilmiya, qui se présentent comme des missionnaires et vont jusqu'au fin fond de l'Afrique, mais qui réellement collectent des fonds pour les groupes djihadistes salafistes et sèment la fitna entre ibadites et malékites. Lors des émeutes, il y avait des gens qui nous insultaient en nous accusant d'être des khawaridj. Il n'y a que les salafistes qui utilisent ce genre de propos virulents. Mais, malheureusement, l'Etat ne fait rien pour mettre un terme aux activités pernicieuses de ces activistes, sous prétexte qu'ils ne recourent pas à la violence. Lors des attaques de vendredi et samedi, nous avons remarqué des jeunes enturbannés, les cheveux longs, portant des kamis attachés à la taille par des chèches, et des pantalons afghans. Ces derniers étaient les plus virulents. D'où sont-ils venus ? Qui les a recueillis ? Où se sont-ils réfugiés après les événements ? Autant de questions auxquelles il faut trouver des réponses parce qu'il y va de l'avenir de toute une région », révèle un notable ibadite.