Chanson gnaoui, chez beaucoup, l'expression semble faire vieux jeu et pourtant elle fait fortune aujourd'hui. L'engouement pour le festival de Béchar en est la preuve. Vingt troupes nationales y participent. D'autres ont émis le vœu de figurer sur la liste. Dans leur demande, ces associations révèlent la richesse et le mystère de ce patrimoine longtemps maintenu à la marge de modes musicaux existants, l'intègrent avec conviction ( et parfois confusion) dans les tendances culturelles du moment. Elles l'évaluent et le réévaluent à l'ombre de nouveaux circuits de distribution et d'écoute du patrimoine culturel. Des propositions sont faites ces jours-ci sur la scène du cinéma municipal de la capitale de la Saoura à l'image des deux collectifs artistiques d'hier. Des repères sont revisités. « Diwane El Waha » construit son spectacle dans une mise en scène-puzzle où nombre de sensibilités apparentées gnawi se retrouvent, il n'y a pas à proprement parler une entité esthétique mais des pistes de lectures, des fragments d'écoles, des sillons inaboutis, « Diwane El Waha » c'est une équipe d'interprètes jeunes, très jeunes pour certains. Les éléments constituant ce groupe montrent leur forte envie de retourner à l'esprit gnaoui dans une espèce de projet de reconstruction de l'âme qui en découle, l'âme et ses pendants. Ils sont dans la quête du projet, en maturation. Les formes anciennes des aînés constituent leurs premiers fonds gestuels et lexicaux sur lequel reposent les contours généraux de la représentation publique. A son tour « Ahl- El- Kheloua » est dans ce projet de restitution, de réhabilitation de l'âme initiale de ce genre musical qui a traversé les siècles et les douleurs. Les huit éléments, dont une jeune chanteuse exquise, insistent particulièrement sur quelques socles sur lesquels repose le genre. Le spectacle proposé est une invite à un long voyage aux origines. « Ahl-El-Kheloua » est donc dans la redécouverte de l'appui de départ avec les yeux de notre époque ou mieux encore dans la répercussion de l'écho d'une longue histoire musicale et spirituelle qui n'arrête pas d'interroger les références sociales et mythologiques issues des substrats sociologiques anciens. La prestation sur scène est avant toute chose un exercice spirituel à dimension mémorielle. Les chanteurs acteurs font des allers retours constants entre héritages constitutifs et projet artistique en finalisation. Plongés dans ce cycle de recherche et appropriation et réappropriation, ils arrivent à trouver quelques liaisons avec les constantes du style gnaoui proprement dit (les fameux Bordj, les sept couleurs, les danses extatiques, la transe) mais aussi se découvrir dans leur touche personnelle, l'apport spécifique qu'ils peuvent induire, là une sensibilité qui peut aider à assurer la continuité à une forme de musique fortement imprégnée dans notre pays dans notre continent.