Le mariage annulé parce que la fiancée avait menti sur sa virginité (lire El Watan du 31 mai) fait débat. Un débat de société et aussi d'ordre juridique. Paris : De notre bureau La ministre de la Justice, Rachida Dati, qui a justifié la décision du tribunal de Lille, a soutenu lors d'un point presse en marge d'un déplacement à Agen, vendredi, que « la justice est là pour protéger. Le fait d'annuler un mariage est aussi un moyen de protéger la personne qui souhaite peut-être se défaire du mariage, parce que je pense que cette jeune fille (...) a souhaité également, sans doute, se séparer assez rapidement ». Rachida Dati a en outre rappelé que les époux concernés étaient tous les deux « d'accord ». « L'annulation de mariage est un moyen de se séparer rapidement », a-t-elle ajouté. Rachida Dati a, elle-même, fait annuler son propre mariage, « décidé sans le vouloir », selon ses propos dans le livre Je vous fais juge, publié chez Grasset en 2007. Les propos de la ministre ont exacerbé la polémique et les réactions d'indignation, y compris dans son propre camp. Par la voix de son porte-parole, Frédéric Lefebvre, L'UMP a condamné la décision de justice du TGI de Lille et a demandé au ministère de la Justice d'engager une démarche pour obtenir l'annulation de ce jugement. Dominique Paillé, le conseiller politique de Nicolas Sarkozy, a même proposé de supprimer toute possibilité d'annuler un mariage dans la loi, pour ne plus conserver que le divorce. Pour Valérie Létard, secrétaire d'Etat à la Solidarité, « une telle décision est une atteinte à l'intégrité des femmes et une violation aux droits fondamentaux de tout individu ». Pour la secrétaire d'Etat à la politique de la ville Fadéla Amara : « c'est un véritable scandale, une vraie fatwa contre l'émancipation des femmes. J'ai cru que l'on parlaît d'un verdict rendu à Kandahar », a-t-elle déclaré lors d'un déplacement à Evry (Essonne), pour voir un exemple de rénovation urbaine. Le Mrap a estimé vendredi, que l'annulation du mariage de Lille « constitue une régression d'un autre âge » et a demandé au parquet de cette ville de « faire appel de ce jugement dangereux ». Le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (Mrap) écrit encore dans un communiqué que « cette immixtion de la justice dans la vie privée et dans l'intime est une insupportable discrimination à l'encontre de toute femme et, dans le cas d'espèce qui risque de faire jurisprudence, à l'encontre des femmes musulmanes ». La Ligue des droits de l'homme (LDH) a dénoncé de son côté une « une décision discriminatoire ». « La virginité n'est pas un objet de justice », écrit la LDH. « Quelle que soit la volonté des époux, ni la loi ni la jurisprudence ne peuvent consacrer ce symbole de la domination masculine », estime l'association. Ainsi, les explications de la Chancellerie qui a exclu toute « considération d'ordre moral, religieux ou confessionnel » dans cette affaire et selon laquelle la décision avait été « prise en application de l'article 180 du code civil qui donne la possibilité à un époux de demander l'annulation de son mariage s'il y a erreur sur la personnalité de son conjoint » et de l'avocat du plaignant n'ont pas convaincu. « Il ne faut pas lier cette affaire à un problème de religion ou d'obscurantisme. Il y a une coutume, la virginité était importante pour mon client, mais chacun doit vivre comme il l'entend. Si elle lui avait dit la vérité dès le départ, il l'aurait peut-être épousée malgré tout », avance Me Labbée. « Faisons attention à ce que cette jurisprudence va engendrer : demain il va y avoir une multiplication des nullités du mariage, on pourra avoir des jeunes filles qui pourraient subir des opérations chirurgicales pour se refaire l'hymen », avertit toutefois Jean-Paul Delevoye, médiateur de la République.