Tollé général. L'annulation par le tribunal de grande instance de Lille d'un mariage, parce que la mariée a menti sur sa virginité, soulève une vague de réactions de réprobation et de condamnation. Paris : De notre bureau Cette décision a été prise par la justice au motif que « l'épouse acquiesçant à la demande de nullité fondée sur un mensonge relatif à sa virginité, il s'en déduit que cette qualité avait bien été perçue par elle comme une qualité essentielle déterminante du consentement de son époux au mariage projeté », rapporte le jugement publié dans la revue juridique Le Recueil Dalloz. Alors que la fiancée avait affirmé à son futur époux qu'elle était vierge, il avait découvert le soir de leurs noces, le 8 juillet 2006, qu'elle ne l'était pas. Il avait alors engagé une procédure de nullité relative de l'union, précise encore le jugement. « Il s'agit d'une décision d'espèce » fondée sur l'article 180 du Code civil concernant les « erreurs sur la personnalité du conjoint », a déclaré Guillaume Didier, porte-parole de la chancellerie. « Ce n'est en aucun cas une disposition inspirée par la morale » mais par « le mensonge, d'ailleurs reconnu par son auteur », la jeune mariée de Lille. « C'est le mensonge qui motive la décision du juge », a souligné, pour sa part, le procureur, Lemaire. « Il ne faut pas faire de cette affaire une résurrection d'un retour à la religion et à l'obscurantisme. C'est tout simplement une application des règles de la nullité du mariage », a estimé l'avocat du plaignant, Me Xavier Labbée. Le vice-président du conseil régional du culte musulman du Nord-Pas-de-Calais, Abdelkader Assouedj, souligne pour sa part que « l'Islam n'exige pas que l'épouse soit vierge », il demande toutefois que le mariage ne soit pas « basé sur le mensonge ». « C'est pour cela que la justice a tranché, ce n'est pas par rapport à la religion », ajoute-t-il. Au titre des réactions, celle de la secrétaire d'Etat en charge du Droit des femmes, Valérie Létard, qui s'est déclarée « consternée de voir qu'aujourd'hui en France, certaines dispositions du code civil conduisent par l'interprétation qui peut en être faite, à une régression du statut de la femme ». Sihem Habchi, la présidente de « Ni putes ni soumises », a estimé que « cela revient à ériger la virginité comme une qualité essentielle pour le consentement au mariage. C'est comme si on légitimait les hommes à répudier les femmes parce qu'elles ne sont pas vierges ». « Nous sommes aujourd'hui trahies par notre propre justice, qui instaure une véritable fatwa contre la liberté des femmes ! », a-t-elle ajouté, avant de conclure qu' « il faut au plus vite que les législateurs rétablissent cette faille de la loi, car nous marchons à grands pas vers une sacralisation du communautarisme par la justice, un glissement vers l'institutionnalisation du relativisme culturel et donc vers une condamnation sans précédent des femmes ! » Dans un communiqué, l'Union des familles laïques (UFAL) relève que « la virginité est devenue une qualité essentielle sur laquelle une future épouse ne doit dorénavant ni plaisanter ni mentir. La décision rendue par le tribunal pervertit l'esprit même de cette loi qui avait pour finalité manifeste de protéger les femmes contre les mariages forcés ». « Cette décision de justice particulièrement choquante avalise un intégrisme archaïque et viole l'ordre public », déclare Jacques Myard, député UMP des Yvelines, dans un communiqué. Laurence Rossignol, secrétaire nationale chargée des droits des femmes et de la parité au PS, estime que la décision du TGI de Lille « porte atteinte au principe constitutionnel d'égalité entre les hommes et les femmes et de non-discrimination » et de conclure que « si le Code civil a pu fonder une telle décision, il est urgent de le changer ». Pour le PCF, « le fait de cautionner ainsi des comportements qui portent atteinte aux engagements de la France en matière de non-discrimination entre les sexes, ainsi qu'à la liberté sexuelle, est inadmissible et révoltant ». La philosophe, Elisabeth Badinter, a dit sa « honte » pour la justice française, « parce que la sexualité des femmes est une affaire privée et libre en France, absolument libre ». Elle estime que « ça aboutit tout simplement à faire courir nombre de jeunes filles musulmanes dans les hôpitaux pour se faire refaire l'hymen ».