Héritée de la colonisation, en 1962, la Cité coloniale était le seul ensemble d'habitations dont disposait Aïn El Hammam, juste après l'indépendance. Elle faisait partie des dépendances de la caserne où logeaient les officiers de l'armée française. La cinquantaine de logements de deux pièces, libérés après la guerre, étaient à l'époque des maisonnettes de luxe, avec courettes, dont avaient bénéficié d'anciens moudjahidine et autres personnalités. Conçus à l'origine pour abriter, confortablement, des célibataires, ils sont devenus, par manque de logements, des appartements qui ont abrité, parfois, jusqu'à une dizaine de personnes. Cinquante ans plus tard, ni le parpaing ayant servi à leur construction ni les enduits n'ont résisté à l'usure. Il n'en reste que des baraques lézardées de partout, les toits en lambeaux, rafistolés grossièrement et recouverts de tôles. Le fond de la minuscule courette est aménagé pour servir de toilettes tandis que de l'autre côté, l'entrée du salon encombrée par une table, fait office de cuisine. Certains ne connaissent pas l'électricité ni l'eau courante. Parler de cuisinière, de réfrigirateur ou encore de douche serait indécent dans ces taudis. Les locataires actuels, les derniers d'une longue liste de familles qui se sont succédé sur les lieux, supportent ces conditions plutôt que de vivre dans la rue. Les prédécesseurs, n'y trouvant plus les conditions minimales de vie, sont partis ailleurs, léguant « la maison » à des proches. A la misère des habitants, s'ajoute la promiscuité dictée par l'exiguïté. Ainsi, dans une de ces maisons, nous avons vu deux familles (le père et son fils aîné, marié) occuper les deux chambres avec leur cinq enfants, chacun. Pour aller dans la chambre des vieux, il faut traverser celle du fils. Les infiltrations d'eau de pluie et le froid hivernal achèvent de fragiliser les enfants qui s'entassent sur des couvertures étalées à même le sol. On ne peut, de toute façon, y installer ni des sommiers ni des tables, trop encombrants. Entre les ustensiles de cuisine et les couvertures empilées dans un coin, il ne reste de ce qui fut, un jour un salon, qu'une allée pour rejoindre la chambre du fond où s'accumulent des vêtements et de nombreux autres objets hétéroclites.