Nous passons dans les rues sans les regarder alors qu'ils sont là, partout, ployant sous le poids de leurs cartables, tels des portefaix, poussant leurs balles sur les maigres espaces qui leur sont laissés, et leurs cris, tels des nuées de moineaux dont personne ne s'inquiète. Tant d'adultes, qui dégainent le « salam alaykoum » plus vite que leurs ombres, ne leur disent jamais bonjour ! Et quand les politiciens parlent de « l'écrasante majorité du peuple », ils oublient souvent ceux qui la forment véritablement. Combien de millions d'enfants « sortiront » du recensement d'avril dernier, d'autant que depuis quelques années, la natalité a repris, passant à 600 000 naissances en 2006 contre 500 000 auparavant ? Dimanche dernier, 1er juin, était leur Journée internationale. Ici et là, quelques initiatives plus ou moins sympathiques... Mais pour l'écrasée majorité des enfants, la date est passée inaperçue. Dans cette pauvreté, les éditions Barzakh se sont distinguées par la publication du Petit Prince de Saint-Exupéry en arabe dialectal algérien. Identique à l'édition originale avec les dessins de l'auteur, d'une langue légère et agréable, d'une qualité graphique irréprochable et d'un prix très abordable, il vient rappeler, comme déjà signalé ici, qu'il a été écrit en partie à Alger, dans la librairie Les vraies richesses (rue Charras, auj. Hamani) quand l'écrivain-aviateur y faisait escale. C'est un véritable évènement littéraire que de mettre à la portée des petits (et grands) algériens ce best-seller de la littérature universelle, vendu à près de 90 millions d'exemplaires et traduit dans plus de 160 langues. Une merveille d'imagination, d'humanisme et de poésie. La littérature enfantine, maillon faible de notre édition, mérite d'être vigoureusement soutenue. Des éditeurs s'efforcent de l'introduire dans leurs catalogues (voir p. 23). Simorg, une maison jeune public, est sur le point de naître à Alger à l'initiative de l'écrivain Mohamed Kacimi. La Bibliothèque nationale et le Syndicat national des éditeurs de livres tiennent en ce moment le 3ème Salon international du livre de jeunesse (5 au 12 juin à la BN). A la fin du mois, le ministère de la Culture organise le 1er Festival international de la littérature jeunesse sur l'Esplanade de Ryadh El Feth. Enfin, le 13e Salon International du Livre d'Alger (27 oct. au 5 nov.) sera centré sur le livre pour enfants. Bonnes nouvelles, oui, en espérant que le ministère de l'Education nationale soit gagné par ce frémissement car sans l'Ecole, point de livre et de lecture. Le Petit Prince commence dans le Sahara quand un enfant étrange vient demander à un aviateur échoué dans les sables : « S'il vous plaît, dessine-moi un mouton . » Pensons-y avant que nous ne devenions incapables de dessiner un enfant.