Ils sont accueillis par la rue à un très jeune âge, les plongeant dès l'enfance dans la délinquance. Poussés vers la rue par des parents indigents ou exclus de l'école, alors qu'ils n'ont pas encore atteint la hauteur de trois pommes, des enfants par grappes peuplent les rues de Annaba. Nombre d'entre eux confrontés à l'ennui et l'oisiveté et «pressés par des besoins urgents» que les parents n'arrivent pas à leur assurer, ont trouvé dans la rue un espace de survie. Avec pour tout «bagage» des astuces pour occuper leur temps et surtout défendre leur part de vie dans un monde d'adultes. A Annaba, les trottoirs sont envahis par des nuées de gamins proposant à qui mieux mieux, serviettes, vaisselles, chaussettes et cigarettes. D'autres plus «costauds» et se croyant déjà adultes, monnayent leurs services dans des boulangeries, des cafés ou encore, mieux ou pire, sont «portefaix» dans les marchés. Une autre catégorie d'enfants s'adonne au ramassage du pain rassis dans les quartiers «repus» de Annaba qu'ils revendent aux éleveurs de bétail. Assis près d'une caissette en bois pour les mieux nantis, ils occupent, quotidiennement, leur «portion» de «territoire» évitant soigneusement d'empiéter sur celui du voisin, selon un consensus respecté par tous. Le même emplacement peut, à des heures différentes de la journée, recevoir des étals distincts. Près de la rue Ibn Khaldoun, l'endroit est investi par les «magnats» locaux de la devise dont les poches sont leurs coffres-forts ambulants, manipulant, plus particulièrement, l'euro, la monnaie européenne. Les tables, ou portions de trottoir, servent à l'occasion, de «dépôt» à ces «courtiers» d'un genre nouveau. Ils refilent, moyennant quelques dinars, leur magot, surtout que toute la rue Gambetta est depuis quelque temps soumise à un dispositif de surveillance rigoureux installé par la police qui traque les revendeurs de devise. Ces enfants s'adonnent, selon la conjoncture, au commerce, traditionnellement l'apanage des «barons», des fruits et légumes. D'autres règnent en véritables maîtres sur le commerce juteux du tabac, faisant une concurrence des plus déloyales aux buralistes. Frappés au plus profond de leur chair par une «épidémie» appelée «chômage», ces adolescents, en mal d'intégration sociale et professionnelle, sont des prodiges du commerce informel et du négoce. Ces enfants savent qu'il faut se lever tôt pour avoir droit à un croûton de pain. L'assistance parentale n'est plus de mise. Des parents usés par la cherté de la vie et «l'érosion» des vertus, telles la générosité, l'entraide et la solidarité entre les membres de la même famille, voire la même communauté. Autrement dit, le pain vaut bien la sueur surtout que trouver un travail en ces temps à Annaba, c'est chercher une aiguille dans une botte de foin. De ce fait, ces enfants sont les victimes d'autres temps, d'autres gens et d'autres moeurs. Un autre temps où le parent est soumis à toutes les misères socioéconomiques. Autres gens pour qui les valeurs morales n'ont plus de sens au point de profiter de la situation de l'enfant se trouvant à la merci d'une morale qui n'a d'égale que le gain, quitte à exploiter l'innocence. Et autres moeurs, c'est de soumettre des enfants aux sévices sexuels. Et combien sont les affaires qui témoignent de situation où des enfants ont été victimes d'abus sexuels. La cour criminelle de Annaba, en sa dernière session, a eu à traiter deux affaires, la plus bouleversante fut celle où les trois enfants (deux filles et un garçon), ont été les victimes d'un père pédophile. Pour ne citer que ces cas, et dire tout simplement que nos enfants sont en danger. Il est grand temps de donner de la considération aux enfants par la promotion d'un environnement plus sain et de leurs droits. Car, l'enfant n'a pas uniquement besoin d'aller à l'école, de se soigner ou de vivre. Il a besoin de considération, d'être réellement pris en charge autant par ses parents que par son environnement scolaire et social.