Il est heureux qu'au dernier jour de la compétition, la 3e édition du FNTP se soit fastueusement close par Falso du TR Sidi Bel Abbès, un spectacle dont c'était la générale et qui a réussi le tour de force d'emporter le grand prix du festival face à Oubliez Hérostrate qui lui a raflé l'essentiel des autres prix (mise en scène, interprétation masculine et féminine). C'est dire la faiblesse des autres spectacles, dont Sid Ahmed Aggoumi, le président du jury, a déclaré qu'ils constituaient une insulte à l'intelligence. Il reste l'énigme de Fawda el Abouab du TR Batna qui constituait le troisième spectacle qui émergeait du lot et qui n'a reçu aucune distinction, une manifeste sanction sur laquelle le jury n'a pas cru nécessaire d'expliciter. Par ailleurs, aux 9e et 10e jours, ce n'est pas en la section compétition que le 4e art a été bien servi mais plutôt dans le off. D'abord par Hachouma, une production du théâtre Mohamed V de Rabat, un spectacle qui se décline en une ode à l'amour et au « zajal », un genre poétique qui en traduit les tourments et les transports. Et par-delà, c'est la poésie populaire marocaine que, non sans réussite, Djedditi Houcine s'est mis en devoir de valoriser en mettant le 4e art à son service. Sur une trame dramatique qu'il a tracée à Zohra Zryek, la poétesse a développé Diwan Hachouma, un « kane y ma kane » de deux impossibles histoires d'amour, l'une ancillaire qu'une servante voue à son maître, Moulay El Ghali, et que ce dernier, « une bête », éprouve pour Hachouma, une inaccessible belle. La mise en scène joue avec sobriété de ses ressorts pour ciseler des situations donnant à goûter au lyrisme de larges extraits théâtralisés du diwan. De ses interprètes, on retiendra le nom de Samira Sakel, en domestique, pour avoir fait montre d'une talentueuse prestation même si Hanane El Ibrahimi et Mohsen Mehtadi n'ont pas démérité. Le second spectacle en off est du genre dont on ne sort pas indemne, gorgé qu'il était de l'indicible. Il s'agit de Les femmes de Lorca, une production de Mouhtaraf Baghdad Lilmasrah du pays du Tigre et de l'Euphrate. Awatef Naïm Selmane, l'auteur metteur scène, s'est pris de dialoguer avec Lorca en mettant aux prises cinq de ses personnages féminins, puisés de quatre de ses pièces, en l'occurrence Marianita Benida, Noces de sang, Irma et La maison Bernarda Alba. Elle les a cloîtrées sous l'impitoyable férule de Bernarda en son mouroir de tout appétit de vie qu'est sa demeure. Mais au thème du malheur au féminin qu'elle revisite, la pièce associe par petites touches celui plus particulier de la femme irakienne sous la guerre et l'occupation. La scène est presque nue, mais pleine de densité, structurée par deux couleurs, le noir du deuil absolu que Bernarda impose et le rouge de la violence sans bornes qu'il suscite. Il y a aussi et surtout cinq comédiennes développant un jeu physique, remplissant l'espace et y déchargeant l'épouvante, la cruauté, l'horreur que vivent leurs personnages ainsi que leur soumission ou au contraire une suicidaire révolte. Dans les rôles, les sublimes Ibtissem Mohamed Aziz, Fatima Jassem Mohamed, Iqbal Naïm Selmane et la non moins sublime et immense Chada Taha Salem. Côté in, les spectacles ont déçu, que ce soit Mabni lil majhoul produit par le TR Annaba ou Dou'â el Hammam, monté par le TR Tizi Ouzou. Le premier, de Djamel Hamouda, se veut subversif mais ne fait que voler au ras des pâquerettes du lieu commun, confondant entre autodérision et autoflagellation. Le second, de Zhor Ounissi, plein d'emphase à l'opposé du mépris de soi irriguant le premier, est une patrioticarde autoglorification.