Akli Mellouli, maire-adjoint socialiste à Bonneuil (région parisienne) a pris part au colloque sur « La communauté algérienne établie à l'étranger » organisé récemment par la Commission des affaires étrangères, de la coopération et de l'émigration de l'APN. Avec Chafia Mentalechta, il est un des principaux initiateurs du réseau des Franco-Algériens et Algériens de France. Quelle appréciation portez-vous sur ce colloque et sur les thèmes débattus ? Ce colloque a été pour moi une prise de contact. Ce genre d'initiative est à encourager. Ce n'est ni faire dans la langue de bois ni dans la brosse à reluire à qui que ce soit que de dire cela. Cela a été aussi l'occasion de donner notre point de vue, d'expliquer que l'émigration a changé de nature, que nous ne sommes plus sur l'idée de retour, que l'époque de l'Amicale des Algériens en Europe est révolue, qu'il faut travailler en partenariat. Moi-même je suis élu français, mais je suis attaché à mon pays d'origine. Il y a des Français avec des origines algériennes, celles de leurs parents ou de leurs grands-parents. Et ils ne peuvent pas s'en détacher parce que cela fait partie de leur identité. Ils veulent désormais se reconnaître et être reconnus comme citoyens français en France et citoyens algériens en Algérie. Avez-vous été entendus ? Dans un débat à la télévision, le président de la Commission des affaires étrangères, de la coopération et de l'émigration de l'APN m'a dit : « J'ai entendu votre message ». Il a repris une intervention du consul général à Paris disant qu'il ne faut pas caporaliser les associations issues de l'immigration. Le problème c'est qu'avec l'Algérie c'est toujours complexe. J'ai entendu tout et n'importe quoi : qu'on allait être instrumentalisés… Chaque fois que l'on parle de l'Algérie il y a une espèce de suspicion, alors que pour toutes les autres personnes qui travaillent avec leur pays d'origine, cela paraît naturel. Comme si ailleurs il n'y avait pas aussi de jeux d'influences, y compris en France. J'ai mon opinion personnelle, mais au nom de ce réseau que nous voulons construire, nous devons, nous, saisir les opportunités qui nous sont données pour faire avancer. Le bout de chemin sera ce qu'il sera, aussi minime soit-il. Il faut saisir la perche qui nous est tendue. On ne peut pas toujours faire des procès d'intention a priori. L'immigration en France a des particularités. Ce n'est pas l'immigration au Canada ou en Belgique ou ailleurs ... Avec la France, il y a une histoire de la colonisation et de la décolonisation. C'est très lourd. On en paie toujours le tribut. Dans les préjugés, le regard, les représentations. En France, on est à un siècle d'émigration. Si on veut que les images négatives en France vis-à-vis de l'Algérie tombent, il faut dénouer tout cela. Nous sommes attachés à contribuer à donner une autre image de l'Algérie, parce que donner une autre image de l'Algérie, c'est aussi une image de nous-mêmes qu'on donne. Est-ce le message que vous avez transmis au colloque ? Avec Chafia Mentalecheta nous avons expliqué l'attachement de la communauté algérienne de France au pays d'origine, de la wilaya VII à 2008. Nous avons expliqué que l'immigration a changé de nature et que notre inscription dans la société française laisse intact notre attachement à l'Algérie. Nous expliquons aussi que pour se développer et gagner en opérationalité, ce nouveau rapport que nous souhaitons mettre en place avec notre pays d'origine, nécessite la mise en œuvre d'un réel partenariat entre l'Algérie et notre communauté. Ce partenariat implique une triple exigence : l'acceptation par notre pays d'origine de notre double citoyenneté, au sens de notre capacité à assumer loyalement nos responsabilités dans les deux pays. La confiance réciproque dans l'élaboration et la mise en œuvre de projets. La contribution de la communauté installée en France doit se faire dans un esprit de partage et non de donneur de leçon. Avec quel sentiment êtes-vous ressorti de ces échanges ? J'ai le sentiment qu'une petite partie de personnes qui sont aux manettes du pays ont compris l'enjeu, mais qu'il doit y avoir, comme partout, des réticences, des résistances. Si on reproduit ce genre de rencontre tous les ans, qu'on le fasse par thématiques, par groupes de travail, avec de la préparation. On ne peut pas faire des prises de contact permanentes, à un moment donné on doit passer à l'action. Il faut un état d'esprit pour cela. Y compris dans le domaine des affaires, il faut que les gens aillent vers ce pays avec la volonté de le développer, on ne peut pas voir l'Algérie que comme un eldorado. Ce n'est pas un Far West. Des rendez-vous ont-ils été pris ? Les différentes contributions seront regroupées dans un rapport, mais en termes de calendrier il n'y a pas d'échéancier. C'est ce qui manque. Nous en sommes à la déclaration de principe, à la rhétorique. On a sympathisé avec des gens venus d'autres pays. Cela a été l'occasion de rencontrer nos réseaux régionaux, particulièrement en Rhône-Alpes où ils sont en train de se mettre en place, de réfléchir à leur fonctionnement. Nous avons rencontré aussi les Algéro-belges qui souhaitent lancer le même réseau que le nôtre. On réfléchit aussi à une confédération internationale de nos réseaux, ce sera une autre étape ; chacun gardant son identité propre, les réalités n'étant pas les mêmes d'un pays à l'autre. La convergence des réseaux nationaux serait tournée vers le pays d'origine. On pourrait avoir une mutualisation des politiques publiques, par exemple au niveau européen, mener ensemble une action sur l'immigration, l'Euromed… Nous voulons être une force de proposition et comme dans tous les sports on jouera le match jusqu'au bout.