La nouvelle législation prévoit que le départ d'un sans-papiers, appelé pudiquement « éloignement », devra se faire sur une base volontaire. Paris : De notre bureau Les pays européens vont renforcer leur lutte contre l'immigration clandestine avec un ensemble de règles pour encadrer l'expulsion des sans-papiers. Ce tour de vis supplémentaire choque beaucoup d'élus européens, appelés à voter sur ces règles le 18 juin. Les ONG appellent le Parlement à rejeter cette législation. Les ministres de l'Intérieur des Vingt-Sept ont adopté le projet de directive, fixant des normes minimales en matière de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière. Après trois années de négociations ardues sur la « directive retour », la nouvelle législation contraint les autorités nationales à choisir entre légaliser le séjour des personnes sans-papiers ou les expulser. Il prévoit que le départ d'un sans-papiers, appelé pudiquement « éloignement », devra se faire sur une base volontaire. Mais en cas de résistance, il pourra être forcé et obligatoirement assorti d'un bannissement du territoire de l'UE. La détention ne doit être utilisée qu'en dernier recours. L'UE fixe à dix-huit mois la durée maximale de détention des immigrés illégaux avant leur expulsion : un maximum de six mois, dans un premier temps, pouvant être prolongé de douze mois dans certaines circonstances, par exemple : le manque de coopération du pays d'origine du migrant qui refuserait d'accepter son retour. L'UE adopte ainsi la norme en vigueur en Grande-Bretagne et en Allemagne, au grand dam des défenseurs des droits de l'homme qui protestaient contre ce projet jugé très dur, la durée maximale de la détention n'étant, par exemple en France, que de trente-deux jours. Ce texte, qui doit encore être voté par le Parlement européen le 18 juin pour entrer en vigueur, est qualifié de « directive de la honte » par plusieurs associations françaises de défense des droits de l'homme. Le texte fixe à cinq ans l'interdiction de pénétrer à nouveau sur le territoire de l'UE et prévoit que les enfants peuvent également être détenus, mais pendant une durée aussi brève que possible. Le vote de cette directive intervient dans un contexte marqué par le durcissement de plusieurs législations nationales. Ainsi, après le Danemark et le Royaume-Uni, la France vient pour la cinquième fois en six ans de donner un nouveau tour de vis et l'Italie se prépare à faire de même. Le message de l'Europe est limpide : les immigrés, notamment les non-qualifiés, ne sont pas les bienvenus. Le nombre d'immigrés illégaux est estimé à huit millions dans l'Union par la Commission européenne. Plus de 200 000 illégaux ont été arrêtés dans l'UE pendant la première moitié de 2007, mais moins de 90 000 ont été expulsés. Cet accord est-il de bon augure pour la présidence française de l'UE, au deuxième semestre de 2008, au cours de laquelle Nicolas Sarkozy veut parvenir à un « pacte sur l'immigration » ? Un sujet qui divise profondément les Etats membres. Le président français a vivement critiqué l'Espagne socialiste, qui a régularisé plus de 700 000 immigrés clandestins en 2005. Rien n'est moins sûr. L'Espagne et l'Italie ont déjà fait savoir que la régularisation des sans-papiers présents sur leur territoire ne regardait pas l'Union et encore moins la France. « Il n'y a pas de partage possible dans la politique d'admission au séjour. Entre les pays à forte démographie que sont la France et le Royaume-Uni et les pays à faible démographie que sont l'Allemagne et l'Italie, les besoins ne sont pas les mêmes », explique à Libération Patrick Weil, directeur de recherches au CNRS et spécialiste de l'immigration. Différents groupes politiques du Parlement ont néanmoins exprimé de sérieuses réticences, selon l'eurodéputée socialiste française Martine Roure, dont le groupe a préparé plusieurs amendements. « Si les amendements passent, alors on réintroduit ce qu'il y avait d'humain dans ce projet de directive ». Le Parti communiste français, lui, dénonce « l'impasse de cette Europe barbelée et appelle à une mobilisation massive le 14 juin, pour que ce projet de loi soit battu au Parlement européen ». Selon la Commission européenne, les Etats savent que le déclin démographique fera perdre 20 millions de travailleurs à l'Union entre 2010 et 2030. La Commission européenne a proposé de doter l'UE d'autorisations de voyage, intégrant des identifiants biométriques, des photographies et des empreintes. Elles permettraient de connaître la date d'entrée du ressortissant étranger dans l'espace européen, mais surtout de savoir s'il est reparti ou s'il est resté.