«Nous voyons l'apparition de crimes inconnus jusque-là en Algérie comme les enlèvements avec demande de rançon...» Il ne s'agit ni d'un constat banal ni d'une rhétorique à usage politicien. Le chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem, a tiré, hier, la sonnette d'alarme sur les nouvelles violences qui sévissent en Algérie, affirmant que le terrorisme imputé aux groupes armés diminuait en Algérie mais que la violence liée à la criminalité augmente. «Le terrorisme est en diminution mais la violence augmente et change de nature», a estimé M.Belkhadem qui s'est exprimé, hier, à la Radio nationale Chaîne I où il était l'invité de l'émission «Tahaoulet». Les faits et les chiffres sont alarmants: la criminalité a connu une croissance exponentielle depuis la chute sensible des actes terroristes en Algérie. Selon les statistiques de la Gendarmerie nationale, quelque 3 440 individus, dont près d'une centaine de femmes, ont été arrêtés durant ces deux derniers mois. A l'échelle nationale, 1620 personnes ont été mises derrière les barreaux suite à la décision prononcée à leur encontre par la justice. Evidemment, ces chiffres sont provisoires, car la réalité du terrain est plus dramatique. Aussi, l'intervention du chef du gouvernement à la Radio est de nature à susciter une prise de conscience quant aux effets particulièrement dommageables sur la stabilité sociale, économique et politique du pays de tels phénomènes. L'invité de la Radio nationale a singulièrement souligné la modification radicale de la criminalité et de la corruption en Algérie. «Nous voyons l'apparition de crimes inconnus jusque-là en Algérie comme les enlèvements avec demande de rançon, les vols de téléphones portables, la contrefaçon de la monnaie et de documents administratifs, le trafic de drogue», a expliqué le chef du gouvernement. Plus d'une douzaine de cas de kidnappings ont été enregistrés depuis l'an dernier. Le phénomène suscite une véritable psychose, puisque les ravisseurs n'épargnent ni les entrepreneurs, ni les industriels et même pas les enfants. Pour le vol de portables, il est en passe de devenir un sport national. Plus de 6000 déclarations de vol ont été enregistrées uniquement au niveau d'Alger. Des documents biométriques Pour juguler ces nouvelles formes de violence, le chef du gouvernement a annoncé une augmentation des effectifs de la police et de la gendarmerie. Il précise par là même que le gouvernement étudiait l'éventualité de la création d'une «police de proximité» pour rassurer les citoyens. De même, le chef du gouvernement a annoncé l'établissement de documents «infalsifiables». Il serait question de passeports, de cartes d'identité et de permis biométriques. L'établissement de pareils documents a été envisagé par les services du ministère de l'Intérieur depuis 1996. Si la Cnas a déjà adopté la démarche des cartes biométriques, rien n'est entamé au niveau du ministère de l'Intérieur, que ce soit pour les cartes d'identité ou pour les passeports. Le Maroc vient de prendre une longueur d'avance sur l'Algérie dans ce domaine. Cela étant, la lutte contre la criminalité demeure un souci majeur en Algérie. Lors de son intervention à la Radio, M.Belkhadem n'a pas évoqué le rôle de la justice dans cette lutte. Il y a une année, le président de la République a appelé à une «mobilisation» de la justice. M.Bouteflika avait expliqué que le banditisme «a connu une recrudescence à l'ombre des désordres induits par la situation d'insécurité que nous avons vécue et il doit être combattu avec la plus grande rigueur», parallèlement à l'application de «mesures sociales en faveur notamment de l'emploi des jeunes». La réconciliation a fait diminuer la violence «La situation sécuritaire s'est améliorée et la politique de réconciliation nationale a sensiblement fait diminuer la violence», a déclaré Abdelaziz Belkhadem soulignant que «chaque arme (déposée par un islamiste) équivaut à moins de nuisances pour les citoyens». Se déclarant chef de file des défenseurs de la politique de réconciliation nationale prônée par le président Bouteflika, le chef du gouvernement s'est dit, dans la même émission, satisfait des résultats de cette politique. Le bilan est «satisfaisant malgré le fait qu'il y ait de temps à autre un attentat à la bombe ou un assassinat», a estimé M.Belkhadem, minimisant ainsi les derniers attentats à la voiture piégée qui ont eu lieu il y a deux jours à Dergana et à Réghaïa (banlieue d'Alger). Ces attentats, rappelle-t-on, ont fait 3 morts et 24 blessés. Evoquant la fin du délai accordé par la loi aux islamistes armés pour se rendre, fixé au 31 août, il a estimé que «la réconciliation est une philosophie, une qualité morale qui ne peut être limitée dans le temps». «Toute nouvelle reddition est la bienvenue», a-t-il affirmé tout en se refusant à dire si les autorités allaient annoncer une prorogation du délai de ces redditions. Une nouvelle grille des salaires Etant à la tête d'un parti qui a fortement revendiqué la revalorisation des salaires, le FLN en l'occurrence, le chef de l'Exécutif a indiqué qu'une nouvelle grille des salaires sera mise en application durant l'été de l'année 2007. «Cette grille permettra de mettre fin au dysfonctionnement qui existe entre le Snmg et les autres salaires», a-t-il déclaré. Le dysfonctionnement concerne, entre autres, le cas des fonctionnaires expérimentés dont le salaire dépasse à peine le Snmg, porté lors de la dernière tripartite à 12.000DA.