Décidément au Liban, tout repart de zéro alors qu'on croyait que c'était vraiment la fin. Il en est ainsi des armes que l'on croyait au moins rangées, car il est bien difficile de penser que cet élément disparaisse. La guerre civile a laissé des traces plus profondes qu'on ne le pensait, avec l'apparition de multiples fractures entre communautés et aussi en leur sein, comme l'a révélé la récente crise politique qui a mis mal à l'aise des analystes au raccourci facile et détruit ce qui tenait lieu d'évidence, comme en ce qui concerne l'opposition. Un accord a bien été trouvé et un président a pu enfin être élu. Le Liban, en outre, est devenu une destination très prisée au plan international, avec la venue de nombreux dirigeants étrangers allant chacun avec ses encouragements sinon avec ses vœux, même s'ils savent pertinemment que l'équation libanaise demeure complexe, ce que les Libanais admettent pour donner toute sa chance à leur mosaïque. Alors même que le débat politique s'amplifie, quatre personnes sont blessées dans la nuit de dimanche à lundi, dans l'est du Liban, lors d'accrochages entre partisans de la majorité et de l'opposition libanaises. Des accrochages armés ont éclaté à Saâdnayel, une localité de la région de la Békaâ, entre des partisans de la majorité et l'opposition. Les Libanais ont pris cela très au sérieux, marqués il est vrai par ce qu'ils avaient subi il y a tout juste un mois. La raison en est bien simple, puisque tout commence par l'identité des mis en cause et des moyens déployés. Ces accrochages ont impliqué des tirs de mortier et aux lance-roquettes ainsi qu'à l'arme automatique. Une dispute avait éclaté entre un sunnite et un chiite, avant que la situation ne dégénère entre partisans des deux camps. L'armée, qui n'est pas intervenue lors des accrochages, était déployée en force dans la zone. Reste maintenant à connaître la raison de cet affrontement. Un bras de fer politique entre la majorité et l'opposition avait dégénéré début mai en violences qui ont fait 65 morts au Liban, avant la conclusion d'un accord, le 21 mai, à Doha. La région de la Békaâ, où l'influence du Hezbollah est importante, a été relativement épargnée par ces combats. L'accord signé au Qatar a permis, fin mai, l'élection d'un président de la République, Michel Sleimane, mettant fin à six mois de vide à la tête de l'Etat. Reste maintenant à appliquer les autres clauses de cet accord, comme le devenir des armes, les institutions officielles étant mises en avant dans l'exercice de la force et la sécurité. Et de ce point de vue, l'on s'accorde à dire que la paix au Liban dépend de plusieurs facteurs qui lui échappent souvent. En ce sens, le chef de la diplomatie britannique a affirmé, lundi dernier au terme de sa visite à Beyrouth, que le Liban pouvait devenir un « élément de stabilité » dans la région après la longue crise qu'il a connue. Il a aussi qualifié l'élection de M. Sleimane de « tournant dans l'histoire moderne du Liban ». M. Miliband a, par ailleurs, affirmé l'engagement de Londres à appliquer la résolution 1701 de l'ONU, y compris le litige sur les fermes de Chebaâ. La 1701, qui avait mis fin en août 2006 à 34 jours d'hostilités entre Israël et le Hezbollah, avait appelé au désarmement de toutes les milices libanaises. M. Sleimane a insisté de son côté sur le « droit du Liban de récupérer sa souveraineté sur les fermes de Chebaâ (...) », indiquant qu'« il existait de nouveaux documents prouvant que ces territoires sont libanais et vont être soumis à l'ONU ». Tout aussi prudent, son homologue allemand, Frank-Walter Steinmeier, qui s'est félicité de l'élection, le 25 mai, de M. Sleimane à la présidence du Liban, estime que celle-ci « créait les conditions pour une reconstruction du pays », après une crise politique de 18 mois. La phase actuelle est délicate, mais elle est aussi déterminante pour la poursuite du processus de normalisation de la situation au Liban.