Si la malicieuse autre star du film, Hafsia Hersi, est absente d'Alger, c'est qu'elle tourne un nouveau film, une histoire d'amour irakienne sur fond de guerre. L'œuvre de Kéchiche a connu la gloire en septembre à la Mostra de Venise, un accueil délirant et un prix d'interprétation pour Hafsia (21 ans). Ensuite aux Césars à Paris où La Graine et le Mulet a décroché les quatre meilleurs prix : meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario et meilleur espoir féminin (encore Hafsia, pleine de gouaille). Grand succès aussi dès que le film a entamé sa carrière commerciale et son voyage à travers le monde dans les festivals, comme celui d'Alger. La Graine et le Mulet est un film d'auteur, anti-bling-bling ! C'est le travail remarquable d'un cinéaste qui a fait déjà L'Esquive et qui essaie de réfléchir à la manière de rendre le cinéma plus intelligent, plus authentique, plus passionnant. C'est une histoire entre rires et larmes où on voit Slimane, un vieux Maghrébin, joué par Habib Boularès, bosser dans le chantier naval du port de Sète. Il a visiblement marre de ce boulot. Il cherche autre chose. Il rêve de créer sa propre affaire, ouvrir un restaurant. Un rêve pourtant sans espoir et sans moyens. Sa famille ressoudée, ses amis, sa « tribu » maghrébine se réunissent autour de lui, solidaires jusqu'au bout, et ce qui n'était qu'un rêve commence à se dessiner concrètement... Des moments de détresse, l'histoire prend soudain les couleurs d'une euphorie pleine d'espoir. La Graine et le Mulet raconte cette histoire dans une mise en scène superbe. Il y a une méthode Kéchiche, une marque très originale d'un auteur qui a rompu avec la manière classique de filmer une histoire. Le Festival du film francophone d'Alger, présenté par Sora Productions, l'Office de promotion culturelle d'Alger (OPCA) et l'ambassade de France en Algérie, va se poursuivre jusqu'au 12 juin avec un programme parfaitement choisi. Le public verra Bamako de Abderrahmane Sissako, Sia, le rêve du python de Dani Kouyaté, Aux Frontières de la nuit de Nasser Bakhti, West Beyrouth de Ziad Doueiri et d'autres œuvres encore à ne pas manquer. L'Enfant, Palme d'or à Cannes, des frères Dardenne clôturera la grande fête du cinéma. Ce cinéma qui fut pendant plus d'une décennie une lueur lointaine à Alger, revient en force dans nos murs et c'est réjouissant. On a l'impression aussi qu'en ce moment toute l'Algérie se rachète (vis à vis du 7e art) avec des festivals à Sétif, Béjaïa, Oran, Alger... Que veut de plus le peuple cinéphile ?