Armé d'un humour décapant et ayant le sens de la répartie, Youssef Chahine, âgé de 78 ans, a parlé à bâtons rompus de sa vie artistique et de certains problèmes d'actualité qui le touchent au plus profond de son être. A la fois homme de théâtre et de cinéma , Youssef Chahine affirme que toutes ses études ont été basées sur le théâtre. « Il faut connaître les techniques du théâtre pour les appliquer au cinéma. J'ai commencé à faire de la réalisation à l'âge de 21 ans. On apprend lentement son métier. » Le réalisateur se dit navré de constater que sur les 400 salles de cinéma que détenait l'Algérie, à son indépendance, il n'en reste plus aujourd'hui qu'une dizaine. La responsabilité, selon lui, incombe au gouvernement algérien qui doit impérativement au plus vite réhabiliter ces salles obsucures. A la question de savoir pourquoi il a toujours refusé de tourner à Hollywood, il répond : « Là-bas, on tombe sous la hiérarchie de plusieurs personnes. Le producteur, lui-même, cherche trop à comprendre. Le directeur de la photographie également ainsi que les banques. » Donc vaut mieux laisser tomber. Ne mâchant pas ses mots, l'artiste affuble le président américain George W. Bush de tous les noms : « Bush est un ignorant qui pense que tous les Irakiens sont des terroristes. Il utilise le terme terroriste à tort et à raison. 2500 Irakiens sont morts depuis l'embargo, mais hélas aucun pays arabe n'en a parlé. » Son dernier film Alexandrie... New-York est un film autobiographique qui met l'accent sur le rapport des comportements humains. Youssef Chahine a compris au bout de soixante ans qu'il n'y avait pas d'entente entre les Américains et les Arabes, d'où justement la sortie de ce film. Concernant les artistes de cinéma qui finissent par travailler pour les besoins de la télévision, notamment durant le Ramadhan, dans les séries dramatiques, il pense qu'ils se laissent « brûler » car la télévision ne fait pas des choses décentes. Youssef Chahine est réputé pour avoir fait plusieurs coproductions avec l'Algérie. Il a notamment travaillé avec Ahmed Rachedi et Lakhdar Hamina. « Ce rapport de coproduction s'est arrêté avec l'avènement du terrorisme », dit-il. Se sentant proche du peuple algérien, Youssef Chahine a réalisé dans les années 1960 un film intitulé Djamila. Ce film a été censuré en Algérie pendant sept ans pour la simple raison que le personnage principal était une femme. « Les pays arabes doivent penser à essayer de s'entraider en instaurant un système fiable et durable dans la production », dira-t-il. Youssef Chahine demeure persuadé que cette entraide ne verra pas le jour car les pays arabes ne savent pas s'écouter entre eux, notamment sur le plan politique. Il est à noter qu'à partir de l'année prochaine la réalisatrice Martianne Korry, laquelle était présente aux côtés de son oncle à la conférence de presse, compte programmer un panorama du cinéma algérien en Egypte.