Le plus connu des réalisateurs égyptiens, Youssef Chahine, est décédé hier au Caire à l'âge de 82 ans, suite à un long coma l Un cinéaste majuscule que l'Algérie a adopté tel un enfant prodigue et prodige du cinéma arabe et universel l Youssef Chahine laisse une œuvre conséquente qui impose un auteur, un artiste dont l'itinéraire est dominé par des périodes, à l'instar des grands peintres. De 1950, date de ses débuts, à 2007, celle de ses ultimes réalisations, cette exigence de l'excellence transparaîtra dans toutes ses œuvres, y compris celles qualifiées d'alimentaires avec Farid El Atrache. Ce n'est pas pour autant que son parcours est inégal, car sur l'ensemble de sa filmographie, Youssef Chahine pouvait se prévaloir d'œuvres de qualité et il suffira de citer des titres comme L'Emigré, Le Destin, ou L'Autre, tournés dans les années 1990.Comme les réalisateurs jaloux de leur intégrité intellectuelle, Youssef Chahine a été confronté à la difficulté des montages financiers nécessaires à la fabrication de ses films. Il avait été, dans les années 1970, de ceux qui s'étaient élevés contre le démantèlement du secteur cinématographique étatique. Le désengagement de l'Etat ne pouvait pas être sans conséquence sur le niveau de la production motivée essentiellement par la rentabilité commerciale. Après le succès de Saladin, en 1963, un film comme Le choix avait quelque peu désorienté le public dès lors que Youssef Chahine y opérait un total changement de registre en exploitant une trame freudienne après avoir dépeint la période des Croisades. C'était compter sans la capacité du réalisateur égyptien à pouvoir renouveler ses grilles thématiques. Il l'avait illustré avec cet autre chef-d'œuvre qu'est La terre. Youssef Chahine affectionnait cette liberté de mouvement qui lui permettait de passer de la reconstitution historique au drame intimiste. Mais aussi de s'impliquer politiquement sans basculer dans la propagande. L'épopée de Saladin ou le combat pour la dignité de la terre sont ainsi sous-tendus par un message humaniste. La personnalité très affirmée de Youssef Chahine ne pouvait pas s'accommoder de facilités ou de concessions au moralement correct. Un film comme Le Moineau, coproduit par l'Algérie, est en avance sur le ton ambiant du cinéma arabe de l'époque, en 1972, et tranche par sa puissance esthétique. C'est ce courage politique qui conduira le cinéaste à réaliser, en collaboration avec l'Algérie, une fois de plus, un film comme Alexandrie, pourquoi ? Il ne fallait pas attendre de Chahine un alignement sur les poncifs et c'est ce qui lui vaudra l'animosité des cercles conservateurs et intégristes. Youssef Chahine était un passionné de son art, un maître de sa discipline qui avait l'humilité de ne pas s'autocélébrer. Il n'avait pas que des ennemis, mais aussi des émules qui prendront exemple sur sa démarche intellectuelle pour bâtir un jeune cinéma libéré du carcan de l'intolérance. Youssef Chahine laisse une œuvre conséquente qui impose un auteur, un artiste dont l'itinéraire est dominé par des périodes à l'instar des grands peintres et est-ce un hasard si un de ses films, Le retour de l'enfant prodigue, avec l'acteur algérien Sid Ali Kouiret, fait penser à une toile de Rembrandt ? Il refusait pourtant l'académisme par souci de toujours se remettre en cause, de ne pas s'inscrire dans le cycle des entreprises prévisibles et convenues. Youssef Chahine, à l'œuvre depuis près de soixante ans sur les plateaux de cinéma, avait su s'imposer comme une grande figure du cinéma international sans recevoir la reconnaissance que méritait incontestablement sa stature. Le cinéaste ne recherchait pas tant les honneurs pour lui-même que pour donner encore plus de sens à une œuvre forgée, sur le long cours dans la la difficulté et l'hostilité des bien-pensants. Sa filmographie participe largement d'un parcours exemplaire qui est tout à l'honneur du cinéma arabe. Filmographie : Le réalisateur égyptien Youssef Chahine, décédé hier à l'âge 82 ans dans la banlieue du Caire, a marqué de son empreinte le cinéma arabe du XXe siècle. Ses œuvres majeures sont connues et appréciées dans le monde entier. Voici sa filmographie : 1950 : Papa Amine (Father Amine) 1951 : Le fils du Nil (Son of the Nile) 1953 : La Dame du train (Lady one the Train) 1953 : Femmes sans hommes (Women Without Men) 1954 : Ciel d'enfer (The Blazing Sky) 1954 : Le Démon du désert (Desert Devil) 1956 : Les Eaux noires (Dark Waters) 1957 : Adieu mon amour (Farewell my Love) 1957 : C'est toi mon amour (My One and Only Love) 1958 : Gare centrale (Cairo : Central Station) 1958 : Djamila l'Algérienne (Jamila, the Algerian) 1959 : A toi pour toujours (Forever Yours) 1960 : Entre tes mains (In Your Hands) 1961 : L'Appel des amants (A Lover's Call) 1961 : Un homme dans ma vie (A Man in my Life) 1963 : Saladin (Saladin the Victorious) 1964 : L'Aube d'un jour nouveau (Dawn of a New Day) 1965 : Le Vendeur de bagues (The Ring Seller) 1968 : Ces gens du Nil/Un jour sur le Nil (Those People of the Nile) 1969 : La Terre (The Earth) 1970 : Le Choix (The Choice) 1971 : Sables d'or (Golden Sands) 1972 : Le Moineau (The Sparrow) 1976 : Le Retour de l'enfant prodigue (The Return of the Prodigal Son) 1978 : Alexandrie, pourquoi ? (Alexandria... Why ?) 1982 : La Mémoire (An Egyptian Story) 1985 : Adieu Bonaparte 1986 : Le Sixième jour (The Sixth Day) 1990 : Alexandrie encore et toujours (Alexandria Again and Forever) 1994 : L'Emigré (The Emigrant) 1997 : Le Destin (Destiny) 1999 : L'Autre (The Other) 2001 : Silence...on tourne (We're Rolling) 2002 : 11'09'01 - September 11 (film collectif) 2004 : Alexandrie ... New York (Alexandria ... New York) 2007 : Le Chaos (Chaos) 2007 : Chacun son cinéma (To Each His Cinema), (film collectif)