Rencontre A l?occasion de la sortie en Algérie de son dernier film Alexandrie? New York, Youssef Chahine a animé, hier, samedi, à la salle Ibn Khaldoun, une conférence de presse. D?abord, le réalisateur égyptien, avec un humour propre à lui et dont il ne se sépare jamais, a tenu à préciser sa relation avec l?Algérie, relation «conviviale». Alexandrie? New York s?inscrit dans ce cycle de la mémoire, c?est-à-dire qu?il retrace une autobiographie, celle du réalisateur. Youssef Chahine y revient, une fois encore, sur son passé après «Alexandrie pourquoi», notamment sur sa jeunesse, où plein d?illusions, il croyait au rêve américain, un rêve pour lequel il nourrissait une profonde conviction. «En effet, à travers mon film je livre une partie de ma vie, c?est un film autobiographique, comme vous l?avez bien constaté, où je raconte mes illusions et mes espérances, c?est-à-dire le rêve américain», dit-il. Et d?ajouter : «Certes, je raconte le rêve américain, mais surtout je montre comment ce rêve s?est transformé et n?est plus. En fait, il n?y a pas de rêve américain pour les Arabes, et ceux qui croient à ce rêve, ils se trompent et doivent cesser d?y croire, car les Arabes n?existent pas aux yeux des Américains. J?ai mis sept semaines pour réaliser le film, mais il m?a fallu 60 ans pour réaliser que le dialogue entre Américains et Arabes ne peut avoir lieu.» Le film raconte, en effet, à travers Yehia, qui est l?incarnation dans le film du personnage de Chahine étant jeune puis avancé dans l?âge, comme une prise de conscience, douloureuse et pleine d?amertume, mais plein d?enseignements, car elle permet de mieux affronter la réalité avec beaucoup de courage et de philosophie. Par ailleurs, Youssef Chahine souligne que son film est une symbolique, à travers lequel il aborde et développe la problématique du même et de l?autre, articulée autour de Yehia et Alexandre, du père et du fils. Le premier représente l?Egypte, donc le monde arabe, le deuxième tient le rôle de l?Amérique, donc de l?Occident, une nation qui refuse d?aller vers l?autre pour le connaître, apprendre sa différence, sa spécificité. Il montre, à travers la relation entre un père et un fils, le problème de communication entre les hommes, entre les peuples, donc entre les cultures. Ce rapport du même à l?autre est ainsi un sujet central du film. Critique, Youssef Chahine n?a cessé de dénoncer ouvertement les gouvernants arabes qu?il accuse de ne pas assez s?intéresser au Septième Art. «J?ai un amour grand pour le cinéma, et ce serait très intéressant de créer un marché cinématographique arabe commun, et aussi de créer des circuits de distribution au sein de la communauté arabe des films de chaque pays, permettant aux uns comme aux autres de découvrir le cinéma, voire la spécificité cinématographique de chaque société. Il se trouve cependant que les rivalités idéologiques et politiques entre les gouvernants arabes ne favorisent et n?encouragent pas la concrétisation de pareilles initiatives.» Toutefois, un projet allant dans ce sens, celui de faire connaître le cinéma arabe en Egypte, sera réalisé dès l?année prochaine. C?est un projet piloté par Maria El Khori, la nièce de Youssef Chahine qui était présente à la conférence. «C?est un projet qui est en cours. Nous prenons de chaque pays arabe deux productions cinématographiques, le tout constituera un panorama de la cinématographie arabe qui sera présenté en 2005 au Caire», explique-t-elle. Il est à rappeler que le film, Alexandrie? New York, est projeté dans les salles L?Algéria, Ibn Khaldoun, Ibn Zeydoun depuis samedi.