A l'image d'une citerne dans laquelle on prélève de l'eau, le système aquifère du Sahara septentrional, un ensemble de deux nappes profondes que se partagent l'Algérie, la Libye et la Tunisie, a connu, depuis trente ans, des prélèvements continus et de plus en plus importants, conséquence du développement économique des pays. Problème : il s'agit d'un milieu extrêmement fragile, qui ne se recharge que d'environ 1 milliard de mètres cubes par an. Alors que les trois pays viennent de conclure un accord pour une gestion durable de ce bassin, les experts de l'Observatoire du Sahel et du Sahara font le point sur ce qui nous attend si les ponctions se poursuivent à ce rythme. Les Tunisiens prélèvent plus d'eau que les Algériens alors qu'ils ont moins de surface de nappe. OUI MAIS comparer les pays sur un rapport mètres cubes prélevés/kilomètre carré, selon l'Observatoire du Sahel et du Sahara, ne correspondrait à rien. Si on s'en tient aux simples chiffres, c'est vrai, la Tunisie prélève plus d'eau que l'Algérie puisqu'elle en prend 600 millions de mètres cubes sur 80 000 km2 alors que l'Algérie n'en prélève que 1,7 milliard sur 700 000 km2. « Mais en Tunisie, la concentration d'habitants au kilomètre carré est plus importante puisque le pays est plus petit, explique Rachid Khanfir, coordinateur de Géo-aquifer à l'OSS. La demande est donc plus importante. » Djamel Latrech, hydro-géologue algérien chargé du projet SASS, ajoute : « Selon la géologie, les contraintes d'exploitation de la nappe ne sont pas les mêmes partout. Par exemple, chez nous, il est impossible d'exploiter les ressources sous l'erg occidental ou l'erg oriental. » D'après les études, l'Algérie pourrait encore prélever jusqu'à 5 milliards de mètres cubes, alors que la Tunisie, en raison de sa petite superficie, a déjà atteint ses limites. Les réserves de 30 000 milliards de mètres cubes nous permettent de puiser à l'infini dans la nappe. FAUX. Au cours des trente dernières années, l'exploitation des eaux du SASS par forages est passée de 0,6 à 2,5 milliards de mètres cubes par an (1,50 en Algérie, 0,55 en Tunisie et 0,45 en Libye). « Si cette exploitation continue à ce rythme, il y aurait de sérieuses raisons de s'inquiéter pour l'avenir des régions sahariennes où les premiers signes de détérioration de l'état des ressources en eau sont visibles », souligne un rapport de synthèse de l'OSS publié cette année. Des scénarii ont même été élaborés : si les prélèvements jusqu'en 2050 restent constants, il n'y aurait pas de répercussion significative sur le comportement de la nappe, mais les rabattements dans la couche la plus profonde seraient supérieurs à 40 mètres dans le Bas-Sahara algérien et dépasseraient 30 mètres autour des chotts (risque de contamination de la nappe en eau salée). Si les prélèvements passent de 42 à 143 m3/seconde entre aujourd'hui et 2030, les rabattements de 300 à 400 mètres dans la couche la plus profonde provoqueraient la disparition totale de l'artésianisme (quand l'eau jaillit naturellement des puits). Il faudrait donc procéder à des pompages. Il y aurait aussi un risque de salinisation de la nappe par l'eau des chotts (voir schéma). La pression sur la nappe sera de plus en plus forte. VRAI. D'une part, parce que nous allons être de plus en plus nombreux : 4,8 millions d'habitants vivront sur la zone algérienne du SASS d'ici 2030 contre 2,6 aujourd'hui. Notre demande en eau domestique va aussi augmenter et pourrait atteindre en 2030 entre 400 et 600 millions de mètres cubes par an. 80% de la zone du SASS étaient connectés à un réseau d'eau potable en 1998 et ce taux a fortement augmenté depuis. « Les estimations de la consommation en eau dans la zone du SASS algérien varient, selon les communes, de 62 à 295 litres par jour et par habitant ! Le nombre d'hectares irrigués en Algérie passerait quant à lui de 170 000 à 340 000 d'ici 30 ans. Il faut savoir que la demande en eau agricole est aujourd'hui d'environ 1,7 million de mètres cubes par an », peut-on lire dans le rapport. Enfin, l'industrie pétrolière exerce aussi une forte pression puisque, selon un inventaire de l'Agence nationale des ressources hydrauliques algérienne (2000), le secteur aurait prélevé 146 millions de mètres cubes à partir de 177 forages. L'intensification de cette exploitation pourrait entraîner un accroissement de cette demande à hauteur de 262 millions de mètres cubes en 2025.