L'affaire qui a fait couler beaucoup d'encre et éclaboussé la compagnie de transport aérien Air Algérie sera examinée en ce début de semaine par le tribunal correctionnel d'El Harrach. A la barre, quatre prévenus, l'ancien directeur technique, Rachid Akrour, en détention provisoire, ainsi que trois ex-sous-directeurs d'approvisionnement et le représentant de la société américaine ASA, placés sous contrôle judiciaire. Déposée par le défunt PDG Tayeb Benouis, en mars 2006, la plainte portait sur un dossier de « surfacturation et de corruption », mais l'instruction judiciaire, et après une audition de plus d'une vingtaine de personnes, citées dans le rapport d'enquête de la brigade économique de la police judiciaire de la sûreté de wilaya d'Alger, a retenu finalement les chefs d'inculpation de « détournement et octroi de privilèges ». Il s'agit en fait de deux contrats, l'un passé en 1997, et l'autre en 2004, pour l'acquisition de pièces de rechange, dont certaines étaient usagées. Pour la défense, l'ex-directeur technique « était le premier à demander la suspension des relations commerciales avec le fournisseur américain ASA pour non-respect des clauses du contrat ». Pour elle, il n'y a dans le dossier « ni détournement, ni dissipation, ce qui le classe dans le volet strictement commercial ». Pour les avocats, cette affaire « cache un règlement de comptes », d'autant que Rachid Akrour « devait être nommé en janvier 2008 » à la tête de la filiale Air Algérie Technique. « Cette nomination n'a pas été du goût de certains clans au sein de la compagnie, ceux-là mêmes qui ont mis en branle la plainte et qui ont mal vu le fait qu'il se soit opposé à la signature d'un contrat d'approvisionnement avec un fournisseur américain. Il a même réussi à faire intégrer la compagnie dans le pool d'Air France, pour l'approvisionnement rapide en pièces de rechange et sans intermédiaires », expliquent les avocats. Mieux encore, ils révèlent que M. Akrour s'est énergiquement opposé, et par écrit, à la vente des Boeing 767 à un certain Rosenberg, qui devait par la suite les affréter à Air Algérie. « Il a exprimé son refus de cautionner une telle opération, estimant que les appareils en question étaient en bon état et qu'ils pouvaient être utilisés par la compagnie au lieu que celle-ci ne recourt à l'affrètement. Mais l'opération a été malgré son avis engagée », souligne la défense, ajoutant que de telles positions « causent nécessairement des dommages ». Revenant à l'objet de la plainte, la défense précise que le premier contrat d'approvisionnement en pièces de rechange, signé en 1997 pour un montant de 1,2 million de dollars US, avait une durée de validité de 5 ans. « L'opération de 2004 n'est qu'une régularisation d'un bon de commande établi en 2001. Si la direction technique n'avait pas payé, le fournisseur aurait procédé à la saisie des appareils de la compagnie. » Ils notent par ailleurs qu'à la suite de la lettre de dénonciation à l'origine de cette affaire, des missions d'inspection ont été dépêchées par l'inspection générale et la direction de la sûreté interne d'Air Algérie, « mais leurs investigations se sont avérées infructueuses ». Mais les avis sur cette affaire sont partagés au sujet de la véracité ou non des faits reprochés aux mis en cause. Certaines sources internes à la compagnie affirment que le fournisseur américain ASA achetait des pièces de rechange « usagées » chez Boeing pour les revendre à Air Algérie (fait pour lequel il a reconnu sa responsabilité devant le juge) en « bénéficiant d'une marge bénéficiaire exorbitante, partagée avec certains cadres de la compagnie aérienne, et ce, pendant des années », jusqu'à ce que le défunt PDG décide de résilier le contrat et de déposer plainte pour « corruption et surfacturation ». En tout état de cause, le procès de samedi risque d'être très riche en révélations puisque de nombreux témoins à charge et à décharge sont attendus.