C'est aujourd'hui à Djeddah que pays producteurs et pays consommateurs de pétrole se réunissent pour débattre des problèmes du marché pétrolier et principalement de la volatilité des cours et de la menace qu'elle fait peser sur la croissance économique mondiale. La réunion a été initiée par l'Arabie Saoudite pour examiner la hausse actuelle des cours du pétrole. Les pays membres de l'Opep et les pays producteurs non-Opep, notamment la Russie, la Norvège, le Mexique et le Brésil, ainsi que les principaux pays consommateurs, dont les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, la France, le Japon, la Chine, l'Inde et l'Afrique du Sud, ont été conviés à participer à la concertation. L'Agence internationale de l'énergie (AIE), le Forum international de l'énergie ainsi que les grands groupes pétroliers internationaux ont été également conviés à cette rencontre d'une journée. Plusieurs dirigeants occidentaux, à l'image du Premier ministre britannique, doivent assister à la rencontre, de même qu'un vice-Président chinois. Il faudra peut-être remonter à la boutade du ministre italien des Finances, Giulio Tremonti, pour s'expliquer « la cacophonie » qui ne manquera pas de marquer la réunion d'aujourd'hui à Djeddah, qui regroupe les principaux pays producteurs de pétrole et les grands pays consommateurs attablés au côté des grandes compagnies pétrolières et des institutions internationales. Et ce même si un consensus pourra être trouvé pour cerner les causes réelles de la volatilité actuelle. Lors de la réunion des ministres des Finances du G8, tenue les 13 et 14 juin à Osaka, au Japon, et dans un exercice de style purement méditerranéen, le ministre italien avait fait remarquer que « la poule qui chante est celle qui a pondu l'œuf », en faisant référence à la responsabilité des marchés américains dans la spéculation qui marque ces derniers temps le marché pétrolier. La majeure partie des ministres des Finances des pays du G8 avaient alors fait le lien entre l'instabilité des marchés financiers, le rapport entre l'euro et le dollar et la hausse des prix du pétrole. Quelques jours auparavant et lors des deux séances des 5 et 6 juin, les cours du pétrole ont gagné 16 dollars. Un fait unique dans l'histoire du marché du pétrole. Deux facteurs avaient concouru à cette hausse de 16 dollars le baril en 48 heures. Les commentaires du 5 juin du président de la Banque centrale européenne, Jean Claude Trichet, qui avait évoqué une hausse à court terme des taux d'intérêts européens pour lutter contre l'inflation. Ce qui a rapidement fait reculer le dollar par rapport à l'euro. Et la déclaration d'un vice-Premier ministre israélien, candidat favori à la succession d'Ehud Olmert à la direction du parti Kadima. Dans une déclaration à la presse, Shaoul Mofaz, vice-Premier ministre israélien, a clairement laissé entendre que « si l'Iran poursuit son programme d'armement nucléaire, nous l'attaquerons ». « Les autres options sont en train de disparaître. Les sanctions s'avèrent inopérantes. Nous n'aurons pas d'autre choix que d'attaquer l'Iran pour stopper son programme nucléaire », a-t-il ajouté. Si le recul du dollar a entraîné une hausse des cours le jour même, les déclarations de Shaoul Mofaz ont fait entrevoir un conflit nucléaire imminent et la probabilité du blocage du détroit d'Ormuz qui entraînera forcément une rupture de l'approvisionnement mondial en pétrole avec la possibilité des cours du pétrole qui grimperaient à 250 dollars le baril. L'ombre du nucléaire Shaoul Mofaz n'est pas un météorite. Il est né à Téhéran et il s'adresse régulièrement aux Iraniens à travers des entretiens en langue perse pour les exhorter à se débarrasser de leur régime politique actuel. Shaoul Mofaz est l'ancien chef d'état-major et ministre de la Défense d'Ariel Sharon. Il figure parmi l'élite dirigeante de l'Etat d'Israël. Autre fait important révélé par le New York Times vendredi 20 juin et qui cite plusieurs responsables du Pentagone, l'aviation israélienne « a mené un exercice de grande envergure au cours de la première semaine du mois de juin. Ce dernier aurait servi de répétition générale à une attaque massive contre les installations nucléaires et militaires iraniennes, notamment ses rampes de missiles balistiques Shahab ». « Les manœuvres se seraient tenues en Grèce et à l'est de la mer Méditerranée. Elles auraient impliqué plus d'une centaine de chasseurs-bombardiers israéliens de type F-15 et F-16, ainsi que des avions de ravitaillement et des hélicoptères de type Black Hawk qui ont simulé le sauvetage de pilotes dont les appareils ont été abattus par les défenses anti-aériennes de l'Iran. Les hélicoptères auraient ainsi parcouru 900 kilomètres, précisément la distance qui sépare Israël de la centrale d'enrichissement d'uranium de Natanz. » Selon le quotidien, l'armée israélienne « chercherait à tester et à ajuster les capacités de projection de ses forces aériennes, de même que leur habilité à atteindre et frapper des cibles à longue distance ». Selon un expert du Pentagone informé de la teneur de cette simulation d'attaque sur l'Iran et qui a choisi de garder l'anonymat, l'Etat hébreu était fin prêt à agir militairement en cas d'échec du processus diplomatique mené actuellement par la communauté internationale. Les risques d'un conflit nucléaire dans une région stratégique et vitale pour l'approvisionnement mondial en pétrole et la grave crise financière qui affecte les Etats-Unis ne pouvaient pas ne pas déteindre sur les marchés pétroliers. Des marchés qui ont été surtout victimes dans un passé récent de prix dérisoires quand on sait que cette ressource n'est pas renouvelable. Des prix dérisoires qui n'ont pas permis les investissements pour développer la recherche, l'exploration et l'utilisation des énergies alternatives et renouvelables. Quand on examine la complexité de la situation actuelle, certaines déclarations prennent une connotation démagogique. Comme celle de demander aux pays producteurs d'augmenter leur production alors qu'il n'y a pas preneur sur la place. Pour des raisons évidentes de politique intérieure, plusieurs gouvernements choisissent la politique de facilité qui consiste à demander à l'Opep d'augmenter sa production. Cette dernière ayant toujours été le bouc émissaire par excellence pour calmer les opinions face à la hausse des prix des carburants. La dernière déclaration en date a été justement faite hier par le secrétaire américain à l'Energie, Samuel Bodman. Samuel Bodman a déclaré hier à Djeddah que la cause principale de l'explosion des cours était le fait que l'offre suffit à peine à satisfaire la demande et a estimé que, dans ces conditions, toute annonce par les pays producteurs d'une hausse de production à Djeddah serait « bienvenue ». A l'opposé, l'Opep soutient que l'offre est largement suffisante et que le problème est ailleurs, il est dans la spéculation et la persistance des problèmes géopolitiques. Depuis le mois de janvier 2008, l'Opep vit sous pression. Il ne se passe pas une semaine sans qu'un dirigeant d'un grand pays consommateur ne la sollicite pour une augmentation de sa production alors que le marché reste bien approvisionné. Il est bien plus facile de faire une déclaration en direction de l'Opep que de réguler les marchés financiers ou de susciter l'investissement dans le raffinage. Or depuis l'année 2000, ce sont les déficits dans le raffinage, notamment aux Etats-Unis, qui ont porté la hausse des prix du pétrole brut. Depuis, très peu d'actions ont été menées pour rattraper le déficit.Les débats de cette rencontre tourneront autour de cette divergence. Mais le fait qu'il y ait débat et concertation est positif en soi.