Des palmiers, on n'en trouve pas beaucoup dans ce quartier de La Glacière à Bachedjarah. Juste quelques-uns dans ce qui reste des cours, mais surtout sur les murs décharnés des immeubles. Un figuier et autres plantes grimpantes ont pu pousser sur quelques façades éventrées. Au quartier Les Palmiers, il y a surtout la misère. « Notre seul tort est d'être pauvres, il faut donner un magot pour en recevoir », s'emporte Salah, un quinquagénaire. Père de 3 garçons et de 6 filles, le fonctionnaire de l'administration, qui se rappelle des promesses qui leur ont été faites par l'administration de l'époque de Chadli, surtout par les services du ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme, M. Belayat. Les résidants souffrent surtout de la promiscuité des habitations ou ce qui ‘'en tient lieu''. La porte de l'« appartement » à peine ouverte que la fenêtre vous fait face. Entassés à plusieurs, les occupants s'organisent comme ils peuvent. Des demandes de logement, Salah en a formulé plusieurs, mais « aucune instance, insiste-t-il, n'en a tenu compte. Le maire de Bachedjarah est un nabab. Il est plus facile d'approcher le raïs mais pas lui, son factotum fait le gros du boulot puisqu'il est le seul interlocuteur, en rabrouant les administrés à tour de bras ». C'était là où avaient leurs quartiers les gardes mobiles au temps de la guerre d'Algérie.Une fois partis, les biens vacants furent occupés par des Algériens et depuis, la population du quartier a souvent changé. En 1984, une opération de relogement a été décidée, mais elle n'a bénéficié qu'à la moitié des occupants. Quelque 304 familles ont été ainsi évacuées des bâtiments de A à G qui ont été « vidés » de leurs occupants, mais quelle ne fut la surprise des résidants de les voir se « remplir » de nouveaux venus. Le séisme n'a pas épargné les constructions. « Des piliers ont été touchés et le CTC en a fait acte. Des chalets nous furent proposés mais on en veut pas. J'habite là depuis 40 ans et je ne veux pas résider dans du provisoire », assure Salah. Deux établissements scolaires ont fermé leur porte au lendemain du séisme. Ces établissements, un CEM et une école primaire, ont fini par être occupés par des indus occupants et des miradors y furent construits. Le site est insalubre et les risques de MTH pèsent sur l'ensemble des résidants, et les agents de Netcom n'y peuvent rien. C'est à peine s'ils traitent les ordures ménagères des alentours de la cité ou des rues de La Glacière. Par temps de pluie, les fosses septiques débordent et il vaut mieux se munir de bonnes bottes et d'un guide pour celui qui n'est pas du « cru ». Les résidants font bon ménage avec les rats : « Ici, on les appelle les touristes, ils ne se gênent pas pour vous narguer. Des cafards, on en a aussi et de toutes les formes ; l'autre jour, on a capturé un rat de plus de 3 kg. Ici c'est un véritable ‘'capharnaüm'' », plaisante, sourire aux lèvres Kamel notre guide d'un jour. « Le peu que l'on gagne va dans les frais médicaux et les services de viabilisation. 10 000 DA pour vider une seule fosse septique. De quoi vous mettre à sec ». Pour les résidants, l'Etat ne se soucie guère de « sa populace ». Des opérations de viabilisation ont touché des grands ensembles de la wilaya déléguée de Hussein Dey, mais les décideurs n'ont pas « jugé utile » de « lorgner » ce quartier. « Comment peuvent-ils le faire, alors que nous avons la réputation sulfureuse d'être des gens subversifs », insiste un sexagénaire qui a toujours considéré Les Palmiers et La Glacière comme « des zones sensibles, pas comme celles qu'on trouve en France ». Des jeunes du quartier ont pris le maquis avec l'arrivé du FIS, comme ils prennent de nos jours la mer, aucune alternative ne leur est offerte. Certains ont trouvé la parade : la petite délinquance, qui « fait de grands torts ». « A part le trafic des stups, surtout la zetla qui fait florès, les jeunes n'ont rien à faire et s'occupent comme ils peuvent », relève Ali, cheveux gominés et des portables « akhir aâyta » (dernier cri), comme il se plaît à l'affirmer, à la main. Au loin, apparaît le tunnel de Oued Ouchayeh. Pour Ali, les jeunes ne trouvent pas où se décrasser. Inauguré en 2001, le seul terrain de jeu valable se trouve en bas de leur quartier et surplombe le tube du tunnel. Il ne peut toutefois contenir toute leur fougue. « Il arrive que des batailles à couteaux et sabres tirés s'engagent. Au lieu d'un match de football, on assiste à des batailles rangées entre les jeunes des différents quartiers de La Glacière. » A leurs pieds, les tubes du tunnel de Oued Ouchayeh ; mais leur tunnel à eux, en voient-t-ils le bout ? « Je n'y crois pas trop », relève Ali.