Les 33 travailleurs de la Sarl Conserverie Ben Azzouz (CBA) de Skikda mis au chômage ne savent plus à quel saint se vouer pour crier haut et fort l'injustice flagrante dont ils sont victimes et leur désarroi qui n'a que trop duré. Ces employés avaient frappé à toutes les portes, mais « aucun des responsables que nous avons contactés n'a daigné lever le petit doigt pour nous, même le premier magistrat du pays. A qui devons nous nous adresser pour faire entendre notre voix ? » s'interroge, en sanglots, Chérif Benchabane, le représentant des travailleurs remerciés. La plupart d'entre eux avaient totalisé plus de 15 longues années de dur labeur au service de la CBA, une usine de transformation de fruits et légumes (double concentré de tomate, confiture et jus de fruits), implantée à Ben Azzouz dans la wilaya de Skikda. Après un cumul de dettes non honorées, dont le montant s'élèverait à 613 492 986 DA, l'usine, créée en 1985 avec des capacités installées de 6 500 t/an, et qui s'étend sur plus de 50 000 m2, avait mis la clef sous le paillasson en 2002. Face à cette faillite et dans l'impossibilité de récupérer son argent, la banque créancière avait alors procédé à la saisie, puis la mise sous scellé de la CBA. Depuis, les 33 travailleurs s'étaient retrouvés à la rue, sans la moindre ressource à même de leur permettre de subvenir aux besoins de leurs familles. Pourtant, souligne C. Benchabane, des décisions de justice avaient été prises en leur faveur par le tribunal de Azzaba à l'effet d'une indemnisation. « Nous sommes au chômage depuis 2002 et ce, en dépit des jugements rendus par le tribunal de Azzaba à l'encontre de cette société. En l'absence d'interlocuteurs, en l'occurrence la banque créancière, ces jugements n'ont pu être mis à exécution par notre huissier. Cette institution financière, devenue propriétaire du patrimoine de la CBA, refuse de prendre en considération ces jugements », précisera-t-il. Autre fait plus grave que dénonce notre interlocuteur : la cession d'une parcelle de terrain dans l'enceinte même de l'usine mise sous scellé. En effet, dans une lettre adressée au PDG de la banque, nouveau propriétaire de la société, les travailleurs abusivement licenciés déclarent : « En 2001, ladite conserverie a fait l'objet d'une saisie conservatoire et mise sous scellé pour procéder à son adjudication au profit de votre banque. Il s'est avéré que vos représentants ont autorisé le morcellement de ladite unité, en procédant aux modifications de l'acte notarial initial hypothéquant tous les biens mobiliers et immobiliers de la société, garantissant ainsi les crédits octroyés ». Et d'ajouter : « Ces responsables ont délivré une main levée à certains anciens actionnaires, leur permettant la vente de leurs parts sociales pour un montant de 19 200 000 DA, alors qu'un avis d'opposition a été diffusé par voie de presse contre toute transaction, changement ou modification de la raison sociale. La partie du terrain détournée au profit de ces tierces personnes dans le but d'y créer une autre société, qui n'a jamais vu le jour, vient d'être cédée à un nouvel acquéreur ». D'après C.Benchabane, porte-parole des travailleurs, toutes les parties informées de cette situation donnent l'impression de faire fi des lois de la République. C'est pourquoi, arrivé au fond du gouffre, autant que ses 32 pairs, notre interlocuteur interpelle les plus hautes autorités du pays pour l'ouverture d'une enquête. Pour en savoir plus sur ce qui s'apparente, note C. Benchabane, à l'affaire Khalifa (mise en faillite préméditée), nous avons vainement tenté de joindre le directeur régional de la banque mise en cause. « Il est à Alger » ou « Il est en réunion avec son homologue de la Cnac », c'est les réponses auxquelles nous avions, à chaque fois, eu droit. Sur les lieux où est implantée l'usine, la mise sous scellé et l'absence de tout représentant de la banque propriétaire de la CBA sont les justificatifs que l'on nous avancera pour ne rien laisser filtrer de cet épineux dossier.