Dans une wilaya plutôt téléphage dès la tombée du jour, la caravane culturelle sétifienne, qui a plié bagages hier, a apporté, une semaine durant, une vivifiante animation, parfois contrariée, hélas, par de « footeuses » coupes européennes au moment précis où elle se donnait. La première soirée, celle de l'ouverture officielle, a été festive, haute en couleur et surtout rondement menée autour d'une fresque restituant l'évolution de la chanson sétifienne depuis les ancêtres jusqu'à l'un des derniers nés de ses artistes, présent sur scène, en l'occurrence Fayçal Rahmani. Il était encadré par ses aînés Samir Staïfi et le sympathique Bekakchi Khier, des vedettes de la chanson du haut plat pays. Le chatoiement des couleurs était dans la présentation de costumes traditionnels et d'un mariage typique sur un accompagnement musical assuré par l'orchestre moderne Mirage. Durant le reste de la semaine, la maison de la culture abrita une exposition reflétant le patrimoine historique, culturel et muséal sétifien. Si les adultes eurent droit à deux rencontres sur le passé et sur les poètes et hommes de lettres de la région de Sétif ainsi qu'à des soirées musicales et poétiques, les enfants du chef-lieu de wilaya, comme de trois autres villes (Hammam Bou Hadjar, El Amria et Béni-Saf), avaient été pris en main par un trio composé de deux comédiens et d'un prestidigitateur, les uns assurant l'animation et l'autre l'art de l'illusion. Le théâtre était également présent avec la coopérative El fouara. Celle-ci a présenté le bon et moins bon, ce dernier illustré par un duo formé d'un chanteur musicien et d'un comédien au talent également avéré mais lui de comique, tous deux distribués dans une pièce à laquelle manquait l'essentiel : une construction dramatique. voix émouvanteDe la sorte, la pièce « Khaoua oua Adaoua » s'est enlisée dans des pitreries sans autre fil conducteur que leur alignement. Cela n'était pas le cas avec « Salah oual massalha », le monologue écrit et interprété par Toufik Mezaache, un spectacle qui s'ouvre sur un balayeur de rues apeuré, pris dans une atmosphère de terreur que rend une suggestive bande sonore. Puis, de cette dernière, il en sort la voix claire et émouvante de Souad Massi entonnant son raoui qu'elle prie de lui raconter une histoire. A la fin de la complainte, le personnage se tourne vers son balai et lui rétorque : « Mais l'histoire tu la connais ! » Un particulier qui parle à son balai et cet outil devenant son interlocuteur, cela n'est pas un prétexte évident mais Mezaache réussit a nous y plonger avec brio. Sa fable a pour trame les contradictions de la société d'aujourd'hui, le tout dit sans enlever au réel sa complexité et surtout sans moralisme, un écueil duquel il voguait tous près. Son balai de sorcière, avec lequel il nous emporte dans son délire, ses savoureuses mimes et son humour noir sont entremêlés de forts moments d'émotion. Enfin, l'on ne peut omettre de citer la musique de Houcine Smati, à la prégnante fonction dramatique. Bon vent à la caravane sétifienne qui est aujourd'hui à Tlemcen, remplacée à Témouchent par celle de Kabylie.