Rappel : le 18 septembre 1982, Israël occupe encore le Liban quand Tsahal « observe » d'un œil complice le massacre des camps palestiniens de Beyrouth, Sabra et Chatila, perpétré par les phalanges libanaises au lendemain de l'assassinat de Bechir Gemayel. Sur cet événement que les Israéliens n'ont cessé de minorer quand ils ne pouvaient l'entourer d'une chape de silence, le cinéaste israélien, Ari Folman, alors présent sur les lieux et torturé par la culpabilité, a choisi de réveiller sa mémoire « assoupie » et de revenir sur ce massacre de civils à travers un film brillant, dont la singularité repose sur une écriture cinématographique qui emprunte sa forme au genre de l'animation et ce, pour un résultat convainquant à tous points de vues. L'intrigue épouse le travail d'enquête du cinéaste lui-même qui, vingt ans après, retrouve plusieurs acteurs alors sous l'uniforme de Tsahal, et qui, comme lui, ont subi, l'oubli aidant, ce que les psychiatres nomment « le stress post-traumatique ». Alternant les scènes « live » et les séquences d'animation, Ari Folman se livre à un travail de mise à jour d'une culpabilité que le temps n'a pu effacer. « La quête de souvenirs traumatiques enfouis dans la mémoire est une forme de thérapie, avoue le cinéaste. Une thérapie qui a duré aussi longtemps que la production du film, à savoir quatre ans. Au cours de cette période, confie-t-il, j'oscillais entre la dépression la plus noire engendrée par les souvenirs retrouvés, et l'euphorie du projet de film, avec cette animation novatrice qui, elle, avançait bien plus vite que prévu. Si j'étais vraiment passionné de psychothérapie, je penserais que faire ce film m'a transformé en profondeur. Mais je dirais plutôt que réaliser le film était la partie agréable, et la thérapie, la partie douloureuse. » Aussi, Valse avec Bachir s'inscrit dans un certain courant idéologique initié par certains films de guerre américains depuis Apocalypse Now de Francis Ford Coppola jusqu'à La ligne rouge de Terence Malick, en passant par Platoon d'Oliver Stone ou Il faut sauver le soldat Ryan de Steven Spielberg. Il n'est pas sans rappeler les témoignages d'anciens appelés français de la guerre d'Algérie sur les exactions et la torture. Tournant le dos à l'héroïsme guerrier et patriotique, au sens étriqué de ce terme, ces cinéastes, dont désormais Ari Folman, produisent un discours qui ressort de l'anti-militarisme. Et, en ce sens, Valse avec Bachir revisite avec pertinence et éclat l'une des pages les plus sombres et tragiques de l'histoire politique du Moyen-Orient et notamment de son nœud gordien, le drame du peuple palestinien.